Anna Eörsi

Fuit enim Maria liber

REMARQUES SUR L’ICONOGRAPHIE DE L’ENFANT ÉCRIVANT ET DU DIABLE VERSANT L’ENCRE

 

          J’ai choisi la Vierge à l’encrier attribuée à un maître de Westphalie du Musée des Beaux-Arts de Budapest (no d’inv. 123, fig. 7.) pour présenter aux étudiants de la première année le know how de notre métier. En abordant l’histoire du type, mais surtout celle de l’iconographie j’ai dû repenser l’histoire de la représentation de l’Enfant écrivant et de la Vierge à l’encrier. Je me suis rendue compte que les travaux consacrés jusqu’ici à ce sujet n’éclairent pas de façon satisfaisante l’origine et la signification de ce type iconographique. Je tenterai donc d’apporter de nouvelles réponses à ces questions, tout en essayant de situer ce panneau dans l’histoire de la représentation du sujet en question.

 

I. État de la recherche

          L’enfant « écrivant ou peignant » de la Vierge dite de la « Korbgasse » à Mayence évoque à Back un chant populaire du Haut-Rhin.[1]

          En se référant à la Madone Magnificat de Botticelli, Herbert von Einem estime que la représentation de l’Enfant écrivant exprime la glorification de la Vierge chez les peintres du Nord également.[2]

          D’après Thomas et Feigel, le culte de l’Enfant écrivant est née au sein de la confraternité du Saint Sang de Mayence, et ils voient dans l’écriture la preuve de la sagesse du Christ, prévoyant ses supplices futurs.[3]

          Parkhurst, qui a consacré la première étude systématique à ce sujet, cherche la source du type iconographique dans les écrits des mystiques dominicains.[4]

          Squilbeck met l’accent sur le rôle d’intermédiaire de Marie ; selon cet auteur, la Vierge à l’encrier dicterait à son enfant la liste des rachetés par son intercession. Squilbeck rejoint P. Kronenburg (qu’il ne connaît lui non plus que d’ouvrages de référence), qui y a vu une interprétation du verset 14 du Chapitre II de l’Épître aux Colossiens de Saint Paul (« Il a effacé l’acte rédigé contre nous et […] il l’a supprimé en le clouant à la croix. »). Il ajoute que les Madones à l’encrier sont souvent porteuses des symboles de la Vierge immaculée : c’est une Marie pure des taches du péché originel qui mène l’humanité sur la voie du salut[5].

          A propos de la dite “première scène de dédicace” du Livre d’heures de Bruxelles (fig. 1), Panofsky note que le peintre y a humanisé la notion ancienne de la Mère de Dieu identifiée au “trône de la sagesse” (sedes sapientæ). D’après lui, les exemples ultérieurs de ce type auraient des traits analogues avec les représentations de Marie enseignant son enfant[6].

          Réau identifie aussi “la Madone à l’encrier” avec “la Vierge apprenant à écrire à son enfant”.[7]

          Vetter fait remarquer que les interprétateurs ont négligé les aspects formels en attachant trop d’attention aux prétendues sources littéraires. Selon lui, le long rouleau de la Vierge de la “Korbgasse” (fig. 12) “dient der »Sichtbarmachung« des Wortes. Es liegt nahe, an den Anfang des Johannesevangeliums zu denken. Das et verbum caro factum est is »übersetzt« in die Sprache der mittelalterlichen Kunst : wie das Pergament eine Möglichkeit bietet, das Wort als Erscheinung zu fassen, so verleiht Maria dem Logos Gestalt.[8]

          Beeh attribue à saint Bernard de Clairvaux la paternité spirituelle du type en question. Il rejoint Feigel en voyant lui aussi une allusion aux souffrances à venir et à la Rédemption dans le thème de l’Enfant qui écrit selon lui avec une plume trempé dans du sang.[9]

          Tout comme Vetter, mais indépendamment de lui, Ringbom estime qu’il ne faut pas chercher à tout prix des influences littéraires dans l’apparition de l’Enfant écrivant, issue d’une modification de l’image de dévotion byzantine de l’Hodigitria. Le rouleau que le Christ tient à la main gauche – et qui symbolisait à l’origine le Logos – s’ouvrira progressivement dans les tableaux des peintres du trecento. “The Madonna of the Writing Christ Child […] is one of several possible variations of the Madonna where Christ holds a book”.[10]

          Miner note à propos du tondo de Baltimore que l’Enfant écrivant apparaît tantôt comme la préfiguration du Christ enseignant, tantôt – en écrivant le nom du spectateur dans le Livre de la Vie – comme le symbole de l’intercession (fig.5).[11]

                   Selon Schiller, l’Enfant de la Madone de la “Korbgasse” - sous l’influence indirecte des visions de sainte Brigitte - est en train de lire les prophéties messianistiques de la Passion.[12]

          Rejoignant Ringbom, Gorissen fait remonter à l’Hodigitria byzantine l’origine de ce type iconographique qui illustre à ses yeux la relation, devenue plus personnelle, entre Dieu et le donateur[13].

          Verdier note que l’acte d’écrire apparaît pour la première fois vers 1375 à Tournai sur les statues représentant la Madone debout (le Christ y écrit dans un livre). Puis, vers 1400 à Mayence, le livre est remplacé par un rouleau, avant que les enlumineurs franco-flamands n’ajoutent les motifs de l’écriture et de l’encrier au thème de la Vierge assise à l’Enfant. Verdier voit l’élément principal du tondo de Baltimore dans l’intercession de la Vierge de la Compassion.[14]

          A propos du panneau de Budapest (fig. 7), Zsuzsa Urbach met en lumière que la Vierge a été la protectrice des lettrés, des poètes et des écrivains : “L’Enfant qui écrit préfigure le Christ enseignant.”[15]

          Belting interprète le type de l’Enfant écrivant et de la Vierge à l’encrier dans le contexte d’un dialogue personnel entre les personnages et les commanditaires de l’Andachtsbild.[16]

          Toutes ces interprétations contiennent bien des éléments pertinents. Deux problèmes se posent cependant, à mon avis. Les études compréhensives du sujet sont toutes à la recherche des sources littéraires concrètes, alors que – et je suis d’accord sur ce point avec Ringbom – il est fort probable que de telles sources n’ont jamais existé. D’autres partent d’œuvres particulières pour expliquer l’ensemble du type iconographique. Or ce qui est valable pour telle représentation ne l’est pas nécessairement pour telle autre.

          S’il existe une idée commune inspirant ces innombrables Enfants écrivants et Vierges à l’encrier, elle doit être recherchée dans la direction que Vetter a suivie en étudiant la Vierge de la “Korbgasse” (fig. 12).

 

II. Pellis virginea (parchemin vierge)

          Le mot grec logos désignait à l’origine le livre ou le rouleau de parchemin lui-même.[17]  Depuis Jean I, 1 (In principio erat Verbum…), le rouleau symbolise le Logos, le Verbe, et c’est en tant que tel que l’Enfant le tient dans sa main sur maintes représentations byzantines de la Vierge à l’Enfant. La thèse de Ringbom et de Gorissen – selon laquelle l’iconographie de l’Enfant écrivant serait en rapport avec celle des Christ au rouleau des images byzantines de la Vierge – ne manque pas de vérité, mais celle-ci se trouve ailleurs qu’ils ne le pensaient. Je reviendrai encore à ce que le rouleau à inscription tenu par l’Enfant deviendra, à l’époque du trecento, un motif proleptique renvoyant au Rédempteur adulte. Par contre, la représentation de l’Enfant qui écrit effectivement est liée à l’Incarnation.

          Sur certaines représentations byzantines ou italo-byzantines de la Madone, le rouleau a déjà symbolisé non le Logos, mais le corps de la Vierge, puisque, en dernière analyse, c’est elle qui contient le Verbe. Éphraïm de Syrie († 373) appelle la Vierge « écriture scellée », dont aucun mortel n’est capable de déchiffrer les secrets.[18] La poésie mystique célèbre la Vierge comme “livre vivant du Christ”, “scellé par l’Esprit” ; elle est “le livre scellé, dont le texte n’est connu que du gardien du sceau lui-même”, elle est “le rouleau de texte, dans lequel le Logos fut imprégné sans écriture aucune”, etc.[19] “Là [sur le Sinaï], la Parole de Dieu avait gravé la loi sur des tables de pierre, par l’Esprit, ce doigt divin : ici, par l’action de l’Esprit-Saint et par le sang de Marie, la Parole elle-même s’est incarnée et s’est donnée à notre nature comme un remède de salut plus efficace”, dit saint Jean Damascène († 754) dans une homélie écrite à la naissance de la Vierge[20]. Par conséquent, la couleur rouge du rouleau de texte des Madones à l’Enfant byzantines et italo-byzantines se réfère au sang de Marie.[21] Sur une icône du XIIe siècle de la Vierge de Tendresse, Jésus tient derrière son dos le rouleau rouge “wie einen neu erworbenen Besitz”.[22] La remise par Marie du rouleau (cette fois couleur chair) à son enfant devient le motif central de la Sainte Vierge de Kykkos (1080–1130, Sinaï, cloître Sainte-Catherine), qui embrasse l’ensemble de l’histoire de la Rédemption.[23]

          A mon sens, les prémisses des représentations de l’Enfant écrivant doivent être recherchées dans ces rouleaux symbolisant le corps de Marie, aussi bien que dans les textes y relatifs.

          Plusieurs passages de la Bible permettent d’identifier la Vierge à un rouleau ou à un livre (Isaïe VIII, 1 : liber grandis ; Isaïe XXIX, 11 : liber obsignatus ; Ézéchiel II, 8 : liber involutus ; Matthieu I, 1 : liber generationis ; Apocalypse V, 1 : liber signatus, etc.).[24] Épiphane de Salamine († 403) voit dans la grande tablette d’Isaïe VIII, 1, le sein immaculé de la Vierge, portant l’écriture de Dieu lui-même.[25] Saint Jérôme († 419/420) affirme aussi qu’Isaïe VIII, 1, n’est autre chose que la formulation imagée de la conception immaculée, et que le Fils né de Marie est écrit en caractères ordinaires sur la table.[26] Jacques de Sarouge († 521) écrit : “La Vierge nous apparut comme une lettre scellée, recélant les secrets et les profondeurs du Fils. Elle nous livra son corps saint comme une feuille vierge, sur laquelle s’écrivit corporellement le Verbe lui-même. Le Fils est le Verbe, et elle [Marie] est… la lettre, par laquelle tout le monde fut pardonné.”[27] L’évêque André de Crète († 740) estime que l’écrit scellé d’Isaïe XXIX, 11, est un livre renfermant un secret tout nouveau, et que le Verbe divin a été tracé “par une verge propre à l’homme” dans ce livre, c’est-à-dire dans la Vierge.[28]

          Un des principaux animateurs du mouvement bénédictin au XIIe siècle, Pierre de Celle († 1183) dit que la Vierge est un livre dont la couverture porte la marque de son humilité, et les pages celle de sa chasteté.[29] Marie-livre fut faite du “parchemin du premier homme”, c’est-à-dire d’une peau rude souillée par le péché originel. Cette peau fut ensuite nettoyée par les vertus pour le « scribe invisible » : le courage et la force firent disparaître le poil poussé après la Faute, tandis que la discipline et la mesure servirent de pierre ponce pour éliminer définitivement toute impureté léguée par Adam. Les lignes furent tracées par l’équité, qui guida ainsi les pas de Marie sur les voies secrètes de la justice du Seigneur. La sagesse était la main qui écrivit, cependant que l’encrier et l’encre furent fabriqués des épines de la race de David.[30] Le Saint-Esprit veillait à ce que la facture du manuscrit fût parfaite, et le livre fut finalement relié dans les lanières de la discipline et de la foi.[31] Le Moyen Age a attribué à Albert le Grand († 1280) le traité De Laudibus B. Mariæ de Richard de Saint-Laurent, qui compare Marie à un livre : ses lettres sont les vertus de la Vierge, son contenu est le Christ, et il a été écrit par la plume du Saint-Esprit, trempée dans l’encre noire de la mortalité humaine.[32] Dans une chanson attribuée à tort à Heinrich von Meiben (Frauenlob, † 1318), Marie se présente comme le livre scellé de sept sceaux de l’Apocalypse V, 1.[33] L’évêque de Prague Ernst von Pardubitz († 1364) identifie le liber generationis de Matthieu I, 1, avec la Vierge : le doigt de Dieu y aurait ainsi inscrit le Messie annoncé par Isaïe.[34] Aux yeux du théologien tchèque Johannes Milicius von Kremsier († 1374), la Vierge est un livre béni par Dieu, écrit avec foi et justice par le Saint-Esprit ; ce bonus liber non seulement contient les paroles de la foi et de la vertu, mais a aussi engendré le Verbe incarné, le Rédempteur de l’humanité.[35] Selon Jourdan de Quedlinburg († 1380), le sein de la Vierge est le livre auquel nous devons la naissance terrestre, inscrite dans la temporalité, du Logos divin. L’élément humain de l’acte de l’incarnation est symbolisé par le stylus hominis d’Isaïe VIII, 1, guidé par trois doigts du Saint-Esprit.[36] Avec Antonin de Florence († 1459), nous nous éloignons dans le temps et dans l’espace du legs artistique étudié. L’évêque de la ville de l’Arno établit un parallèle entre les livres et Marie en invoquant que ceux-là contiennent le savoir et la sagesse, tandis que la Vierge est porteuse de la somme de la sagesse divine, à savoir du Fils de Dieu.[37]

          La grande majorité des textes cités se réfèrent à la célébration de la naissance de Marie, et mettent généralement l’accent sur le sein immaculé de la Vierge. A l’instar de Pierre de Celle, plusieurs auteurs insistent sur les analogies entre la fabrication du parchemin (séparation, dépilage, nettoyage de la peau, lissage, réglage, pointillage du papier, etc.), et la préparation du sein de la Vierge, que les vertus rendront progressivement digne de renfermer la sagesse divine.[38] Il s’agit ici des phases successives de la sanctification du sein maternel.

 

III. La Vierge assise à l’Enfant écrivant dans la miniature

          Les premières représentations de l’Enfant écrivant se nourrissent, à mon avis, de la tradition littéraire indiquée plus haut. L’image la plus ancienne que nous possédons est la Madone de la “première scène de dédicace” du Livre d’heures de Bruxelles[39] (fig. 1). Les deux feuilles de parchemin arrangées en diptyque ont été insérées sans doute plus tard dans le volume. A gauche, on voit le duc de Berry en prier, flanqué de ses deux saint protecteurs, saint André et saint Jean-Baptiste. Dans le livre de prières ouvert devant lui, on peut même lire les premiers mots de la prière matinale Domine labia mea aperies…. Sur la feuille de droite, la Vierge est assise sur un immense trône couvert de tissu doré, et l’Enfant habillé se tient sur ses genoux, et lui tète le sein en s’y accrochant de la main gauche, et écrit de sa main droite tout en regardant le spectateur; il écrit sur une longue banderole onduleuse, qui est encore toute vierge. La Vierge tient l’un des bouts enroulé du parchemin avec l’annulaire et l’auriculaire de la main gauche, et ne se sert que de son index et de son médius pour équilibrer son fils. Sa main droite n’est pas occupée non plus à soutenir l’Enfant. Partant de sa main gauche, le rouleau enlace son enfant à mi-corps pour planer en longues volutes de l’autre côté, et la Madone y pose la main droite avec un geste de parfaite délicatesse. Dans l’arrière-fond, d’innombrables anges accompagnés d’instruments chantent des hymnes à la gloire de la Vierge et du Christ, (ce dont témoignent les inscriptions, d’ailleurs très lisibles, Ave Maria et Gloria in excelsis).

          Le motif de l’allaitement remonte probablement à un modèle élaboré au trecento. Les Madones allaitant l’Enfant affirment d’une part la réalité de l’Incarnation (si le nouveau-né est humain, il doit être nourri), et le rôle d’intercesseur de Marie de l’autre. Les deux significations sont étroitement liées : c’est en qualité de mère du fils de Dieu que Marie transmet au Seigneur les prières des mortels. Dans le cas de cette miniature, l’allaitement peut avoir un sens supplémentaire : le Christ trop mûr pour son âge tète le lait de la sagesse et du savoir, autrement dit les vérités de la foi nouvelle.[40]

          De l’avis général, la longue banderole vide, planant dans l’air viendrait d’une statue que l’artiste aurait imitée machinalement. J’estime cependant que ce rouleau singulier, quasi surnaturel, doit être interprété dans une optique toute différente. Il est, à mon sens, le symbole du Verbe incarné, le symbole du corps que le Christ a reçu de la Vierge. C’est la raison pour laquelle la Vierge partage les doigts de sa main gauche entre le parchemin et le Fils, et qu’elle pose sa droite avec tant de délicatesse protectrice sur l’autre bout du rouleau. Cela explique aussi le flottement miraculeux du rouleau, et l’absence de tout texte. (C’est l’acte d’écrire qui importe, et non pas son contenu.) Quant aux anges de l’arrière-plan, ils glorifient l’incarnation du Verbe.

          Il existe encore deux représentations contemporaines de l’Enfant écrivant, qui se rattachent étroitement à la Madone du Livre d’heures de Bruxelles, provenant également de l’entourage du duc de Berry. L’une est une figurine d’ivoire française haute de 32 centimètres, qui se trouve au Louvre (fig. 2).[41] Selon Meiss, elle date de la fin du XIVe siècle, et remonte au même prototype que la Vierge du Livre d’heures de Bruxelles. La posture de l’enfant – à l’exception de son regard – est identique à celle de l’Enfant Jésus de la miniature. Sur la figurine, les deux mains de la Vierge sont beaucoup plus naturelles : sa gauche ne fait que tenir l’enfant, tandis que sa droite prend d’un geste cette fois naturel la banderole devenue plus courte. Je crois pourtant que cette figurine doit être interprétée de façon analogue à la miniature : la main droite de Marie montre ici au spectateur le rouleau symbolisant le Verbe incarné, plutôt qu’elle ne le protège.

          La troisième œuvre appartenant à ce grouupe est le frontispice, exécuté entre novembre 1405 et mai 1406, d’un livre contenant des traités moraux; elle provient, selon Meiss, de l’atelier Luçon (fig.3).[42] Elle représente la fille du duc de Berry, sa propriétaire, priant la Madone en compagnie d’une de ses dames d’honneur. La Vierge et son Enfant ressemblent ici davantage aux figures de la miniature de Bruxelles : le Christ tétant sa mère essaie de regarder aussi le spectateur, et la banderole sur laquelle il écrit est de nouveau très longue. Marie est assise sur un trône monumental, et ses deux mains révèlent que l’artiste avait vu de ses propres yeux la miniature de Bruxelles. Pourtant, en raison d’un certain nombre de modifications plus ou moins importantes, cette représentation a un message différent de celui de la Madone de Bruxelles et de la figurine du Louvre. La banderole est cette fois couverte de texte. On y voit la prière du donateur : “Mater dei memento mei… Pater noster qui es in cælis sanctificetur nomen tuum. Adveniat regnum tuum” (Matthieu VI, 9–10), suivie du “fiat” du Christ. Cette banderole n’est pas le symbole du Verbe incarné, et ce non seulement en raison du texte qu’elle contient. Son bout a glissé de la main gauche de la Vierge. Ici aussi, elle n’emploie que deux doigts (l’index et le médius) à soutenir l’Enfant, alors qu’elle pourrait très bien se servir aussi de son annulaire et de son auriculaire, car ils ne tiennent rien. Le peintre a fait preuve d’un peu plus d’habileté en transformant la main droite de la Vierge : celle-ci la tient de nouveau au-dessus du rouleau, tout comme sur le prototype, mais tend ici l’index et l’auriculaire vers le demandeur. Ce geste, dit de corno, signifie dans ce contexte l’encouragement, l’incitation. Les modifications vues dans la miniature pouvaient être inspirées par des représentations de donateurs, où le texte de la prière de demande du commanditaire s’enroule sur une longue banderole se dirigeant vers la Madone et son Enfant.[43] Élément nouveau, la couronne de la Vierge exprime que la médiatrice est la reine du Ciel. Le motif de l’Enfant écrivant a changé de signification : le rouleau et le texte se rapportent ici non à l’Incarnation, mais à l’intercession.[44]

          Parmi les miniatures franco-flamandes provenant de l’entourage du duc de Berry, il existe encore une où le sens originel de l’acte d’écrire est conservé. Comme la Vierge de Bruxelles, cette image accompagne aussi la première prière d’un autre livre d’heures. Meiss l’attribue à Jacquemart, et la date vers 1410[45] (fig. 4). La Vierge coiffée d’une couronne est assise sur un trône de pierre, tenant sur son genou gauche l’Enfant demi-nu. La tête du Christ est cernée de rayons de lumière; il écrit non sur un rouleau, mais dans un livre ouvert, et il ne tète pas. Deux couples d’anges tiennent une banderole des deux côtés du trône. La posture de la mère et du fils, tenant ensemble le livre devant le sein de la Vierge, et le geste solennel et cérémonieux avec lequel ils le montrent au spectateur rappellent la phrase de Jacques de Sarouge : la Vierge “nous livre son corps saint comme une feuille vierge, sur laquelle s’écrivit le Verbe lui-même…”.[46]

          L’analogie entre l’Incarnation et l’écriture repose sur ce que le spirituel devient pour ainsi dire matériel dans les deux cas. En dernière analyse, c’est ce qui est exprimé par la figure de l’Enfant écrivant. Mais il s’agit aussi de la glorification de la Vierge, qui a livré son corps au Verbe. Voilà pourquoi elle est entourée d’anges et de banderoles célébrant ses mérites; voilà pourquoi elle est souvent représentée plus tard avec une couronne et – en signe de sa pureté immaculée – avec les attributs de la Femme de l’Apocalypse.

 

IV. La Vierge à l’encrier

          Vers 1400, un motif nouveau apparaît dans les ateliers de France : la Vierge tient parfois un encrier à la main. D’après Gorissen, la représentation la plus ancienne qui nous soit parvenue se trouve dans un livre d’heures à l’usage parisien, écrit en latin et en français.[47] Étant donné que l’enluminure est de petite dimension et qu’elle porte aussi la marque de l’intervention ultérieure d’une main non identifiable, il serait trop osé d’en tirer des conclusions de grande portée.[48] Assis sur le genou gauche de la Vierge, l’Enfant Jésus nu tend sa main vers l’encrier que la Vierge tient devant son sein dans sa droite. L’image illustre les heures du Saint-Esprit, en particulier la prière commençant par “Doulce Dame de misericorde, fontaine de tous bien qui portats iesu christ”. Elle est donc liée au thème de l’intercession.

          Le tondo de la Walters Art Gallery de Baltimore date probablement du début du XVe siècle (fig. 5). Miner l’attribue à un inconnu flamand qui aurait allié le style des enlumineurs de Paris à celui de la sculpture dijonnaise, tandis que Verdier y voit une œuvre sortie d’un atelier fortement marqué par l’influence de Brœderlam et des peintres de Cologne, où Herman Scheerre aurait également séjourné.[49] Représentée en Femme de l’Apocalypse, la Vierge tient cette fois encore l’encrier dans sa main droite levée devant son sein. Un étui à plume pend à son poignet. Dans son bras gauche, elle tient l’Enfant Jésus habillé, qui approche sa plume de l’encrier, et tient un morceau de papier à sa main gauche. Cette fois aussi, le propriétaire espère que la Madone et l’Enfant écrivant interviendront en sa faveur.[50]

          Les premières représentations de ce genre comprennent encore deux miniatures très semblables par le Maître parisien des Heures du duc de Bedford, datant de la première moitié des années 1420 (fig. 6).[51] Venu probablement des Pays-Bas, le peintre connaissait à fond l’art de Beauneveu et de Jacquemart. L’image introduit dans les deux livres d’heures la prière adressée au quinze joies de la Vierge. Dans une salle voûtée, la Vierge couronnée est assise sur un trône à baldaquin. Ses pieds reposent sur un coussin. Elle lève de sa main gauche l’encrier, auquel est attaché un étui à plume, et tient avec sa droite son enfant habillé, qui pose le pied gauche sur son genou droit nu, et tient un long rouleau vierge dans sa main droite. Le Christ tend sa main gauche en avant, mais pour s’accrocher au manteau de sa mère, et non pour atteindre l’encrier. Encore au premier plan, à droite, deux anges s’approchent de la Vierge et de l’Enfant. Le premier offre une pomme au Fils et prend le bout du rouleau; le second apporte un plat plein de fruits. En bordure de la miniature de Vienne, on remarque encore des anges musiciens.[52]

          Sur les représentations citées jusqu’ici, la Vierge tient donc l’encrier devant son corps, et l’Enfant n’écrit pas.[53] Parkhurst estime que l’encrier remplace le lait de sein.[54] A mon sens, Verdier est plus proche de la vérité lorsqu’il note à propos du tondo de Baltimore que le “réalisme symbolique […] investit ici les outils de l’écriture de la magie créatrice du Verbe”.[55]

          Je parlerai de l’origine de l’encrier de la Vierge dans la dernière section de la présente étude.

          La question qui se pose maintenant est de savoir si les premières Vierges à l’encrier ont la même signification que les premières représentations de l’Enfant écrivant. Il semble que le livre d’heures d’Oxford et le tondo de Baltimore empruntent en premier lieu au sens oriiginal de ces dernières l’idée de l’intercession. Dans le premier cas, ni le livre ni le rouleau ne renvoient au Verbe incarné ; dans le second, le morceau de papier dans la main gauche du Christ n’est pas accentué. Or le cas des deux miniatures du Maître Bedford est différent. Ici le rouleau est bien mis en valeur, mais il n’est plus tenu par la Vierge, mais par le Christ, et de sa main il s’étire, entortillé, jusqu’à l’un des anges. Ce rouleau ne symbolise pas le sein immaculé de la Vierge. A mon avis, ce type – mais uniquement celui-ci – illustre la thèse de Ringbom et de Gorissen sur le rouleau étalé de l’Hodigitria.[56] Les rouleaux inspirés par l’Hodigitria du trecento font lire le plus souvent les phrases révélatrices du Christ : “Ego sum lux mundi” (Jean VIII, 12); “Ego sum alpha et o, principium et finis” (Apocalypse I, 8); “Ego sum via, veritas et vita” (Jean XIV, 6), etc.[57] Sur les deux miniatures du Maître de Bedford, le rouleau est pour ainsi dire le prolongement du corps du Christ. Dans tous ces cas, il s’agit, à mon sens, de la prolepse du rouleau étalé du Législateur de l’Église primitive, ou du Rédempteur montant au Ciel. Sur ces représentations, le Christ ouvre, montre ou transmet le rouleau (hérité d’ailleurs de l’empereur romain) en signe de révélation de lui-même et du Nouveau Testament.[58]

 

V. Les panneaux de Westphalie (Budapest, Berlin)

          Jusqu’à présent, personne n’a remarqué les fortes similitudes entre les Vierges à l’encrier de Budapest et de Berlin d’une part, et les deux miniatures mentionnées ci-haut du Maître de Bedford de l’autre (fig. 7 et 8).[59] Ces tableaux étaient auparavant attribués à l’atelier de Konrad von Sœst ; aujourd’hui, on se contente d’affirmer qu’ils ont été exécutés dans les années 1420 dans un atelier de Westphalie.[60]

          Au point de vue de leur style, de leur type et de leur iconographie, les deux panneaux de dimensions à peu près identiques ont des rapports de parenté évidents. Dans les deux cas, la Vierge tenant son enfant dans son bras gauche apparaît devant un fond d’or. Le Christ porte une robe de brocart de soie épais, qui laisse voir sa chemise blanche. Il tient de sa main gauche une banderole, tandis qu’avec sa droite il prend la bordure du manteau de sa mère. Son pied gauche est posé sur son genou droit nu. La droite levée de la Vierge tient un encrier avec une plume dans celui-ci. Un étui à plume est suspendu à son poignet par un fil rouge.

          Quant aux différences entre les deux tableaux, la Vierge de Berlin porte une simple coiffe blanche, tandis que celle de Budapest est coiffée d’une couronne ornée de perles et d’aigles couleur d’or, et est entourée de six anges musiciens. La Vierge de Budapest est vêtue d’une robe plus richement ornée, dont la bordure est tissée des mots « Maria, Mater ». (Les lettres inscrites dans l’auréole de l’enfant sont illisibles.) Le fond d’or du panneau de Berlin est inciséé d’un dessin riche en motifs où l’on voit apparaître, à côté des motifs végétaux et des inscriptions koufiques, l’aigle regardant à gauche, semblable à celui de la couronne de Budapest. Sur le tableau de Budapest, le texte indéchiffrable du rouleau de l’Enfant est écrit au noir, cependant qu’on lit sans peine le texte écrit au rouge sur la banderole de Berlin : “Ich bin der wech, die warheit un leven” (Jean XIV, 6).

          Pour ce qui est des ressemblances entre les deux panneaux d’une part, et les Vierges à l’encrier du Maître de Bedford de l’autre, remarquons que l’Enfant est toujours vêtu de la même manière et qu’il fait partout les mêmes gestes pour rejeter sa tête en arrière, pour s’accrocher d’une main à la robe de sa mère[61] et tenir de l’autre le rouleau, et pour poser l’un de ses pieds sur son autre genou nu. Partout, la Vierge incline la tête vers le Fils, tient de quatre doigts l’encrier, et touche de l’autre main le pied du Christ. La miniature de Vienne et le panneau de Budapest ont encore pour motifs communs la couronne et les anges musiciens. De même que sur les miniatures, le rouleau est ici aussi le symbole de la révélation de soi : la façon dont il est tenu et le texte de celui de Berlin rappellent les rouleaux étalés des Madones du trecento.[62] La main tenant le rouleau de l’Enfant de Budapest semble être couverte de tissu blanc.

          Comment s’expliquent toutes ces similitudes entre les miniatures du Maître de Bedford et les panneaux? Théoriquement, il existe trois possibilités : ils remontent tous à un prototype commun; les deux panneaux (ou leur modèle commun) ont été peints d’après les miniatures (ou d’après le modèle commun de celles-ci); (ou inversement) les miniatures suivent la composition des tableaux. La dernière hypothèse peut être exclue : une Vierge en pied a pu servir de prototype à une représentation à mi-corps, mais ce n’est guère possible inversement. Quant aux dates, notons que l’ante quem non des miniatures est 1422, année à laquelle leur commanditaire Jean de Lancastre, duc de Bedford est devenu régent de France. Il est fort probable que les panneaux ont vu le jour après, et non avant cette date.

          Les peintres de l’atelier de Westphalie d’où étaient issues les deux Madones pouvaient connaître la Vierge à l’encrier du Maître de Bedford ou son prototype.[63] Mais cela n’explique pas encore suffisamment la genèse des Madones de Budapest et de Berlin. L’on sait qu’au XVe siècle les Vierges représentées à mi-corps sont rares au nord des Alpes; elles ne surgissent que dans certaines conditions – en général par suite de la transformation de prototypes italiens ou italo-byzantins – en Bohême, en Bourgogne, à Cologne, en Westphalie et aux Pays-Bas. Fritz estime que toutes les Vierges de ce genre peintes en Cologne et en Westphalie au XVe siècle (y compris les deux Vierges à l’encrier) remontent à la “Madone de Fröndenberg”, née d’une Hodigitria italo-byzantine remaniée par Konrad von Sœst au début des années 1400.[64] Aurenhammer suppose que plusieurs images de dévotion italo-byzantines connues en Westphalie inspiraient les peintres de cette province.[65] Il est possible qu’une Vierge italienne ou italo-byzantine représentée à mi-corps ait contribué à l’apparition de cette représentation sur la miniature française. Une composition du Maître Ovile de Sienne rappelle de très près – mutatis mutandis – les Madones de Westphalie : assis sur le bras gauche de Marie, l’Enfant habillé s’accroche de sa main droite au bord du manteau de sa mère et tient de sa gauche une banderole contenant le mot “fiat”.[66]

          Qu’est-ce qu’on sait des circonstances dans lesquelles les Madones de Westphalie ont été commandées ? Pourquoi existent-elles en plusieurs exemplaires ? Pourquoi la miniature du Maître Bedford venait-elle à propos aux peintres ?

          La position singulière des jambes du Christ sur les panneaux demande à être expliquée.

          Les jambes croisées expriment généralement la puissance, bonne ou mauvaise. Ce geste est aussi le propre des penseurs, des écrivains et des lecteurs.[67] Il apparaît particulièrement souvent dans la ville de Sœst en Westphalie : au témoignage des sources écrites et de l’iconographie, les jambes croisées représentaient surtout le pouvoir de juger.[68] Une œuvre à remarquer dans notre contexte est la sculpture de culte de Werl, gardée à Sœst jusqu’au milieu du XVIIe siècle (fig. 9).[69] Datant du premier tiers du XIIe siècle, la statuette haut de 68 centimètres a été repeinte et retaillée à plusieurs reprises. Il s’agit d’une variante particulière à la Westphalie et à la Scandinavie de la Madone sedes sapientiæ. L’idée principale de ce type iconographique est que le Christ, Verbe incarné et Sagesse divine personnifiée, occupe son trône terrestre qui n’est autre que le sein de la Vierge. Sur la statuette en question, les caractéristiques générales du type ressortent aussi de la posture de la Vierge, vue de face, coiffée de couronne, assise majestueusement sur son trône et tenant une pomme dans sa main droite. Le Christ, représenté en petit adulte au milieu du sein de sa mère, donne la bénédiction de sa main droite et pose sa gauche sur un livre. Seule cette variante révèle les traits particuliers suivants : l’enfant – pour annoncer la future dignité de juge du Christ – croise ostensiblement ses jambes, tandis que la Vierge montre ses deux paumes au spectateur. De plus, la figurine de l’Enfant, peinte et taillée à part, peut être détachée de la composition.

          D’après la tradition, la statuette miraculeuse serait originaire de la Terre sainte. Au XIIIe siècle, un moine nommé Bertold de l’ordre des Prémontrés et son frère, le chanoine Menrich l’emportaient avec eux pour parcourir toute la Westphalie, et toute une série de miracles se produisirent pendant leur voyage. Les aumônes recueillies servirent à la construction d’un cloître et d’une église sur le Hableiberg près de Fröndenberg. De là, la statuette fut d’abord transférée au cloître cistercien fondé en 1225 de Fröndenberg, puis – dans des circonstances miraculeuses – à l’église Santa-Maria-zu-Wiese de Sœst. Dispensatrice d’indulgences, elle attira bientôt des masses de pèlerins et devint l’ornement majeur des processions. Les supérieurs de la Wiesenkirche la transportaient avec ostentation à l’anniversaire de la consécration de la cathédrale dédiée à saint Patrocle, fête principale de la ville où chaque paroisse défilait avec son trésor le plus précieux.

          Les deux Madones à l’encrier de Westphalie sont pour ainsi dire les représentations picturales “modernes” de la statuette de culte. Le Christ habillé y croise aussi ostensiblement les jambes, mais le livre à sa main gauche est remplacé par un rouleau. D’un geste peu naturel, la Vierge courbe en arrière son poignet (seulement l’un des deux cette fois) et montre au spectateur sa paume où la pomme a cédé la place à l’encrier. A mon avis, le peintre a reçu pour tâche de transposer en peinture – sous une forme plus “moderne” – le thème de la statuette, et il a recouru à la Vierge à l’encrier du livre d’heures du Maître de Bedford pour représenter avec plus de réalisme le poignet renversé de Marie et les jambes croisées du Christ. Le message de la statuette et des tableaux est identique : la sagesse divine s’est incarnée dans un corps humain mortel.

          C’est tout ce que l’on peut avancer comme preuve sur la parenté spirituelle entre la célèbre statuette et les panneaux, à moins qu’on ne veuille prendre en compte l’existence de plusieurs œuvres similaires. Il est toutefois certain, à mon avis, que la genèse des deux tableaux est liée à la ville de Sœst. Le bouclier de saint Patrocle, protecteur de la ville, est orné d’un aigle couleur d’or aux ailes étendues et regardant à gauche sur un fond noir, et ce même oiseau apparaît encore sur le sceau et dans les armoiries de Sœst.[70] Cet animal héraldique signifie que la ville s’est placée sous la protection de l’Empire germanique. Les trois aigles couleur d’or sur fond noir, qui ornent la couronne de la Vierge de Budapest, et le motif à aigles du fond d’or du panneau de Berlin portent à croire que les deux tableaux ont été exécutés pour des commanditaires de Sœst.

 

VI. La Vierge debout à l’Enfant écrivant dans la sculpture

          Parmi les statuettes représentant l’Enfant écrivant, la plus ancienne dont nous disposons a été exécutée un peu plus tôt que la miniature la plus ancienne qui nous soit parvenue. La Vierge de la chapelle dédiée à Marie de l’église Saint-Juste d’Arbois a été vraisemblablement taillée entre 1375 et 1378 dans un atelier de Tournai(fig. 10).[71] La Madone apparaissant entre deux anges du portail sud de la basilique Saint-Martin de Hal est issue probablement aussi d’un atelier de Tournai quelques années plus tard (fig. 12).[72] Dans les deux cas, la Vierge est coiffée d’une couronne et tient une fleur à la main droite. Assis sur son bras gauche, l’Enfant Jésus écrit dans un livre ouvert.

          Ce livre représente originellement la sagesse divine. Il remonte au livre de sedes sapientiæ, que le Christ montre ouvert aux fidèles à partir du XIIIe siècle.[73] La figure de l’Enfant assis sur le bras de la Vierge debout et lisant un livre ouvert n’est plus rare au début du XIVe siècle.[74] Ce livre symbolise la prescience de l’Enfant, qu’il s’agisse du Livre de la vie, de l’Évangile contenant son enseignement ou du plan de la Rédemption.[75] Les premières statues de l’Enfant écrivant sont nées de la modification de ce type. Il se peut qu’elles aient voulu représenter d’abord l’inscription par le Christ de noms dans le Livre de la vie, (hypothèse que l’on pourrait justifier en montrant que le sujet en question est apparu pour la première fois sur un monument funéraire, mais les preuves manquent à cet égard). A Arbois, à Hal et ailleurs, le motif apparaît sans aucun contexte funéraire. Certains ont soutenu que le Christ s’y serait servi d’un clou pour écrire dans le livre.[76] Quoi qu’il en soit, je pense que ceux qui ont conclu à partir des motifs de l’Enfant écrivant et de la Vierge à l’encrier à la prémonition de la Passion sont, dans ce cas, le plus proche de la vérité. Le Livre de la Vie de l’Apocalypse (III, 5 ; XVII, 8 ; XX, 12 ; XX, 15) a été considéré depuis saint Augustin comme celui de la prédestination ou de la prescience, et a été identifié à partir du IXe siècle avec le Christ lui-même.[77] Selon Cæsarius de Heisterbach († 1240), le “livre - Christ” fut l’œuvre de la Passion : les lettres y furent inscrits par des coups de fouet, les rubriques y furent enfoncées par des clous, les signes de ponctuation par des épines.[78]

          Les premières statues de l’Enfant écrivant sont à peu près contemporaines aux premières peintures, et ont été exécutées dans l’aire de rayonnement d’un même artiste : Beauneveu. L’acte d’écrire n’a pas ici le même sens, et le livre n’est pas la métaphore du corps de la Vierge. La pureté immaculée de la Madone est symbolisée maintenant par la fleur : c’est en se préservant du péché originel qu’elle devient digne d’être le récipient de la sagesse divine.[79]

          Dans une série postérieure de sculptures de Madones debout, le Christ tient – avec sa mère – un rouleau. Comme Vetter l’a déjà remarqué à propos de la Madone de la “Korbgasse” , le rouleau renvoie ici à l’Incarnation, au corps reçu de Marie par le Fils de Dieu.[80] Portant une couronne énorme, la Madone de la “Korbgasse” a un sarment à la main droite et l’Enfant sur sa gauche (fig. 12). Le Christ écrit sur un long rouleau qu’il appuie sur son genou et qui s’enroule autour du corps de la Vierge, descendant jusqu’au sol. Il a un creuset (un encrier ?) à la main gauche. Le sarment est en même temps une croix arborescente, avec un pélican à son sommet et le Christ crucifié, dont le sang est recueilli dans une coupe par des anges. L’on est naturellement amené à penser que le sens symbolique de l’Enfant écrivant complète celui du Christ sur la croix. Ce dernier représente la Rédemption ; le premier, l’Incarnation. La façon dont la banderole étroite s’enroule autour de la Mère et du Fils, et les doigts de la Vierge divisés cette fois entre le rouleau et le sarment (cf. la Madone du livre d’heures de Bruxelles) rappellent la métaphore du Dieu s’inscrivant dans le sein virginal.[81]

          Au début du XVe siècle, plusieurs Vierges ont été taillées en Bourgogne (probablement à Dijon), où la Vierge et l’Enfant tiennent ensemble une large banderole. A mon sens, le rouleau symbolise aussi dans ces cas le corps de la Mère de Dieu. Sur une Madone de Claus Sluter – dont nous ne disposons que des copies, l’original étant perdu[82] (fig. 13) –, l’Enfant Jésus est couché sur la hanche gauche de sa mère au lieu d’être assis sur son bras. Il tient le bout enroulé du rouleau à sa droite, tandis qu’il désigne de l’index de sa main gauche la large banderole embrassant le corps de sa mère. La Vierge serre son enfant de sa gauche contre son corps, tout en posant à son tour la main sur le rouleau. Bien que la formule soit différente – ou plutôt plus simple –, l’intention de l’artiste fut la même que celle des peintres de la scène de dédicace du livre d’heures de Bruxelles et de la Madone de la “Korbgasse” : la Vierge tient dans la même main le rouleau, symbole de son propre corps, et l’Enfant dans lequel s’est incarné le Verbe.[83]

          L’idée en question – à savoir que le Logos incarné s’inscrit dans le corps virginal reçu de Marie – est exprimée didactiquement, mais en même temps transposée en « scène de genre » par la Madone de l’église paroissiale d’Einruhr (vers 1500).[84] Le large rouleau est posé directement sur le sein maternel. Assis sur le bras droit de la Vierge, l’Enfant nu le ramène d’une main sur le sein de sa mère, et y écrit de l’autre. La Vierge se sert des deux mains pour tenir et pour serrer contre elle-même l’Enfant et le bas du rouleau.

 

VII. L’encrier et le versement de l’encre

          D’où est-ce que les peintres français et franco-flamands ont puisé l’idée de mettre un encrier dans la main de Marie ? Elle leur venait sans doute des représentations d’Évangélistes, dont les “instruments de travail” comprenaient dès le début le rouleau et les outils de l’écriture, y compris l’encrier. Cette transposition s’imposait aussi par le fait que les Évangélistes sont les messagers de bonnes nouvelles (v. Isaïe XLI, 27), les hérauts du verbe.

          L’encrier de saint Jean joue un rôle proéminent dans notre histoire. C’est d’ailleurs lui qui a appliqué le premier la notion grecque du logos à la troisième personne de la Trinité. Dans un certain sens, il est ainsi non seulement l’annonciateur, mais aussi le “créateur” du Verbe-Logos.[85]

          Or l’encrier de saint Jean l’Évangéliste joue dès les années 1380 un rôle de premier plan dans la peinture française de miniatures. Il est l’accessoire principal d’un épisode dramatique : le Diable en verse le contenu pour empêcher Jean de continuer son œuvre.[86] Bien que l’événement se soit produit à Pathmos, il sert d’introduction dans la plupart des cas à l’Évangile de Jean. Le premier exemple qui nous soit parvenu est l’illustration, exécutée vers 1380, d’une Bible historiale possédée jadis par le duc de Berry (fig. 14).[87] Elle montre le jeune saint Jean assis au milieu d’une petite île et écrivant sur un parchemin posé sur ses genoux. Il vient de commencer son Évangile par les mots “In principio erat verbum et verbum” - c’est tout ce que l’on peut lire sur le parchemin. Il ne peut pas continuer, puisqu’un diable, qui fuit déjà les lieux, vient de renverser son encrier et l’encre se répand sur le sol. Van Gelder cite encore nombre de miniatures françaises représentant toujours saint Jean à l’île de Pathmos, qui a déjà commencé son Évangile au moment où son encrier est renversé ou volé par le Diable. C’est aussi le cas du livre d’heures de Vienne du Maître de Bedford, dont nous avons parlé plus haut (fig. 15). La miniature est divisée en deux : en haut, l’Évangéliste œuvre dans son cabinet de travail; en bas, à l’île de Pathmos. Dans le premier cas, son encrier est tenu par l’aigle ; dans le second, son encre est répandue par le Diable.[88] Sur le panneau de Rotterdam, puisant dans la tradition des miniatures françaises de Dirck Bouts, on lit également les mots “In principio erat verbum et verbum erat apud deum et Deus erat verbum Joh. I. VI”, et le texte s’interrompt ici, car le Diable qui guette saint Jean de par derrière son dos vient d’enlever son encrier et est maintenant en train d’en verser le contenu.[89] N’ayant trouvé aucune source pour le versement de l’encre, van Gelder le rattache à un épisode très rare de la légende de saint Jean Bouche d’Or. L’événement est relaté par l’œuvre subsistant en quatre manuscrits du XIIIe siècle d’un poète nommé Renaut ou Renaus, et par un mystère du début du XVe siècle. Le détail de l’histoire qui nous intéresse ici est qu’après avoir été iniquement condamné, le saint est exilé à une île où il se décide à écrire, mais le Diable l’en empêche en répandant son encre. Finalement la salive de Jean se transforme en encre et il peut reprendre son travail.

          L’analogie que van Gelder établit entre l’épisode signalé plus haut et le séjour de saint Jean à Pathmos lui est dictée en premier lieu par la considération que Jean Bouche d’Or se proposait également de décrire la vision de la Vierge.[90] Or cela n’est affirmé que par la version du XVe siècle : dans la première, en vrai intellectuel, il ne veut écrire que pour sauvegarder sa santé mentale au milieu de sa misère.[91] Je trouve peu convaincante la conclusion de van Gelder, selon laquelle “das Motiv im 14. Jahrhundert aus Texten einer französischen Version der Legende von Jehan bouche d’or in bildliche Darstellungen des Apostols Johannes übergegangen ist”.[92] Cet épisode de la vie de sain Jean Bouche d’Or n’a été relaté que par les mystères, et jamais représenté dans les beaux-arts.

          Lors même que cette légende aurait été connue dans les cours de France de la fin du XIVe siècle (ce qui reste à prouver) et qu’elle aurait inspiré les artistes, il faudrait encore expliquer pourquoi et comment un épisode relaté uniquement par des sources écrites de la vie d’un saint fut transposé dans la représentation d’un autre saint.

          Ce n’est guère une coïncidence fortuite que le versement de l’encre de saint Jean l’Évangéliste apparaît dans la peinture de miniatures au même moment et au même lieu que le thème de l’Enfant écrivant. Dans ce dernier cas, le Verbe s’inscrit pour ainsi dire dans le sein virginal de sa mère. L’Incarnation et l’écriture dans le rouleau ont ceci en commun qu’il s’agit dans les deux cas de la matérialisation du spirituel – que le Diable veut empêcher. Quand il ne laisse pas Jean écrire le début de son Évangile, lui aussi, il croit pouvoir se servir de la force magique du Verbe, c’est-à-dire de l’écriture. Il pense que si saint Jean n’écrit pas le Verbe, celui-ci n’existera  pas; et ce qui n’est pas ne peut prendre corps. Il espère prévenir l’Incarnation en empêchant que les mots “caro factum est” soient couchés par écrit.

          La représentation de la lutte des forces du Bien et du Mal au début de l’Évangile de saint Jean remonte à une tradition : ainsi l’aigle vainqueur du serpent symbolise par exemple la victoire du Verbe sur les péchés du monde.[93] D’après une tradition remontant à saint Augustin, les premiers mots du Prologue de Jean ont fourni un argument décisif contre les hérétiques.[94] Cela est attesté par plusieurs représentations de l’Évangéliste aux XIe–XIIe siècles. Le Saint Jean de l’évangéliaire d’Eadui (Canterbery, vers 1020) écrase par exemple sous ses pieds une petite figure d’homme nommé “Arius”. La banderole du saint contient le début du Prologue ; celle de son adversaire, les mots “erat tempus quando non erat”.[95] Le verset “In principio erat verbum…” a été aussi utilisé par les exorcistes.[96]

          Mais saint Jean ne fut pas rapproché de l’Enfant écrivant uniquement en raison du premier verset de son Évangile. Il fut aussi le visionnaire du livre scellé de sept sceaux (Apocalypse V, 1), qui fut identifié avec le sein immaculé de la Vierge et devint l’élément principal du thème de l’Enfant écrivant.[97] D’autre part, dans les prières illustrées de miniatures des livres d’heures, les donateurs s’adressent à la fois à Jean et à la Vierge pour demander leur secours, et n’oublions pas qu’en dehors de “l’Incarnation du Verbe”, l’Enfant écrivant représente aussi l’intercession. Sur une page des Très Belles Heures de Notre Dame, la prière “O intemerata” est illustrée à trois reprises de saint Jean l’Évangéliste en compagnie de la Vierge. Ils trônent l’un à côté de l’autre sur l’image principale, montrant chacun un livre ouvert au spectateur (l’Évangéliste tient aussi une plume à la main droite). Sur la miniature ornant l’initiale, ils déplorent le Crucifié ; sur celle du bas de page, on les voit agenouillés des deux côtés du Seigneur pour intercéder en faveur d’un prince en prière (il s’agit de Charles VI ou de Jean de Berry).[98] La même prière glorifiant la Vierge, mère du Dieu est ailleurs illustrée de représentations de la Vierge tenant son enfant, et de celles de saint Jean l’Évangéliste ayant une palme et un calice (ou un livre) à la main.[99]

          Il n’y a pas de doute que le thème de saint Jean écrivant son Évangile à Pathmos et celui de la Vierge à l’Enfant se complétaient pour les peintres travaillant au service du duc de Berry. Le duc possédait un panneau rond peint des deux côtés, ou en deux pièces, représentant d’un côté la Vierge allaitant son enfant au milieu d’anges, et saint Jean de l’autre. Ce dernier écrit le début de son Évangile sur un rouleau, son écritoire étant tenue par l’aigle : “un tableau rond en deux pieces en l’un desquels a in ymage de Notre Dame alaitant son enfant et deux anges aux deux costés ; et en l’autre Saint Jehan l’évangéliste escripvant en un roulleau : In principio et une aigle devant lui qui lui tient son escriptoire”.[100]

          Tout cela m’amène donc à penser que la genèse des premières représentations de l’Enfant écrivant et celle du Diable versant l’encre non seulement coïncident dans l’espace et dans le temps (elles ont vu le jour au dernier tiers du XIVe siècle dans l’un des ateliers de miniatures travaillant pour le duc de Berry), mais ont aussi des racines spirituelles identiques. Dans les deux cas, l’écriture est investie de la magie créatrice du Verbe.

 

Traduit par László Sujtóx



     [1] Back, F., Mittelrheinische Kunst, Francfort-sur-le-Main 1910, p. 24 : “Das Motiv des schreibenden oder malenden Christkindes erinnert an ein oberrheinisches Volkslied : der Christusknabe erscheint einem Mädchen im Garten als «himmlischer Maler, der alles, alles malen kann» und shcreibt dann ein Brieflein «nicht mehr als zwei drei Wort : mein Vater wohnt’ im Himmel, an einem schönen, schönen Ort».”

     [2] Einem, H. von, Zur " Tintenfassmadonna " des hildesheimer Domes, Alt-Hildesheim 10(1930) pp. 16–19.

     [3] Thomas, A., Die Weinrebemadonna, Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und für Kirchengeschichte 40 (1932) pp. 201–217 (213–214) ; Feigel, A, Unsere Liebe Frau vom Heiligen Blute, in Festschrift für Heinrich Schrohe, Mainz 1934, pp. 79–82.

     [4] Parkhurst, Ch. P. Jr., The Madonna of the Writing Christ Child, The Art Bulletin 23 (1941) pp. 289–306 (292).

     [5] Squilbeck, J., La Vierge à l’encrier ou à l’Enfant écrivant, in Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art 19(1950)pp. 127–140 (138–139).

     [6] Panofsky, E., Early Netherlandish Painting. Its Origin and Character, Cambridge (Massachusetts) 1953, pp. 47–48, 99–100.

     [7] Réau, L., Iconographie de l’art chrétien, II, II, Paris 1957, p. 100.

     [8] Vetter, E. M., Mulier Amicta Sole und Mater Salvatoris, München Jahrbuch der bildenden Kunst 9/10 (1958/1959) pp. 37–71 (63).

     [9] Beeh, W., Die Iversheimer Muttergottes mit dem schreibendem Christuskind, Jahrbuch der Rheinischen Denkmalpflege 24 (1962) pp. 95–122 (112–115).

     [10] Ringbom, S., Icon to Narrative. The Rise of the Dramatic Close-up in 15th Century Devotional Painting, Abo, 1965, p. 61.

     [11] Miner, D., Madonna with Child Writing, Art News 64 (1966) pp. 10, 40–43 et 60–64 (43).

[12] Schiller, G., Ikonographie des chrislichen Kunst I-IV. Gütersloh 1966-1980, II. p. 148.

     [13] Gorissen, F., Das Stundenbuch der Katarina von Kleve. Analyse und Kommentar, Berlin 1973, pp. 241–456.

     [14] Verdier, Ph., La Vierge à l’Encrier et à l’Enfant qui écrit, Gesta 20 (1981) pp. 247–255 (249).

     [15] Urbach, Zs., in Szépmûvészeti Múzeum. Éd. et intr. par Klára Garas, Budapest 1985, p. 59.

     [16] Belting, H., Bild und Kult. Eine Geschichte des Bildes vor dem Zeitalter der Kunst, Munich 1990, p. 427 ; Belting, H. – Kruse, Ch., Die Erfindung des Gemäldes. Das erste Jahrhundert der niederländischen Malerei, Munich 1994, pp. 37, 131 et 136.

     [17] Birt, Th., Das antike Buchwesen in seinem Verhältnis zur Literatur, Berlin 1882, pp. 28, 447 et 448 ; Birt, Th., Die Buchrolle in der Kunst, Leipzig 1907, p. 69.

     [18] V. Kalinowski, L., Der versiegelte Brief. Zur Ikonographie des Verkündigung Mariä, in Ars Auro Prior. Studia Ioanni Bia³ostocki Sexagenario dicata, Varsovie 1981, pp. 161–169 (166).

     [19] Belting, op. cit., pp. 324–326.

     [20] Saint Jean Damascène, Homélies sur la Nativité et la Dormition, Éd. P. Voulet (Sources chrétiennes no 80). Paris 1961, pp. 60–61. Cf. Éphraïm de Syrie : “Moïse tenait jadis les tables de pierre, écrites par son Seigneur ; Joseph respecta et vénéra la table pure, demeure du Fils du Créateur.” Cité par Lehner, H. F. A. von, Die Marienverehrung in den ersten Jahrhunderten, Stuttgart 1881, p. 274.

     [21] Belting, op. cit.(n. 16), p. 326. P. ex. Athènes, Musée byzantin, XIIe s., fig. 177 ; Icône de Chypre ( ?) : vers 1290, Washington D. C., National Gallery of Art, Mellon coll., The Glory of Byzantium. Art and Culture of the Middle Byzantine Era A. D. 843–1261, New York 1997, no 262; Berlinghieri: Vierge à l’Enfant, vers 1230, New York, Metropolitan Museum of Art, The Glory…op.cit., no 321, p. 486 ; Coppo di Marcovaldo : Madonna del Bordone, Sienne, Santa Maria dei Servi ; Vierge à l’Enfant, Orvieto, San Martino ai Servi. Bologna, F., Les Origines de la peinture italienne, Leipzig 1963, fig. 62, 64, etc.

     [22] Athènes, Musée byzantin. Belting, op. cit., pp. 326, 647 (note 79), 648 (note 120), The Glory…op.cit., no 71).

     [23] The Glory…op.cit., no 244, p. 372, fig. 244.

     [24] Schreiner, K., " … wie Maria geleicht einem puch. " Beiträge zur Buchmetaforik des hohen und späten Mittelalters, Archiv für Geschichte des Buchwesens 11 (1970) pp.1437–1464 ; Schreiner, K., Marienverehrung, Lesekultur, Schriftlichkeit. Bildungs- und frömmigkeitsgeschichtliche Studien zur Auslegung und Darstellung von " Mariä Verkündigung ", Frühmittelalterliche Studien 24 (1990) pp. 314–368, id., Maria Jungfrau, Mutter, Herrscherin, München 1994, pp. 154-172 (J’exprime mes remerciements à Zsuzsa Urbach pour avoir attiré mon attention sur ce recueil.

     [25] Épiphane, Panarion haer, 3031. V. Schreiner, op.cit., 1990, p. 357.

     [26] Hieronymus, Commentariorum in Isaiam Prophetam libri 3, c 8 PL. 4, 114. Cité par Schreiner, op.cit., 1990, p. 357.

     [27] Kalinowski, op. cit. (n. 17), p. 166.

     [28] Homilia II. in nativitatem B. V. Mariæ, PG. 97. Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1441 ; Schreiner, op.cit., 1990, p. 357.

     [29] Petri Cellensis Sermo XXVI In Annuntiatione dominica V, PL. 202 718 : « Virgo Virginum… hic designatur per librum intus et foris scriptum ; foris humilitate, intus castitate ».

     [30] “Jam manum ad scribendum apponit prudentia : atramentarium et incaustum de spinis Davidici seminis in Genealogia Matthæi evangelistæ.” Ibid.

     [31] “… superviens quoque Spiritus sanctus, hanc Scripturam illuminat. Tandem ligandus est liber iste grandis, disciplinæ et religionis angelicæ corrigiis…” Ibid., col. 719.

     [32] De laudibus B. M. V., I, 12, c 7, 4 : “Fuit enim Maria liber… Sic ergo Spiritus sanctus Verbo scripsit, dum ejus cooperatione caro Verbi fuit in utero virginali formata”. Cité par Hilg, H., Das « Marienleben » des Heinrich von St. Gallen. Text und Untersuchung, München 1981, p. 326.

     [33] “Ich bin daz buoch daz Jôhan sach im trône, vor gotes stuol versigelt rehte schône, mit siben slôzen wol bewart : nieman was der ez dâ torste entsliezen”. Cité par Richter, D., Die Allegorie der Pergamentbearbeitung. Beziehungen zwischen handwerklichen Vorgängen und der geistichen Bildersprache des Mittelalters, in Fachliteratur des Mittelalters. Festschrift für Gerhard Eis, Hg. von Keil et alt., Stuttgart 1968, p. 89.

     [34] Arnesti archiepiscopi Prag. Mariale c. 85. Cité par Wattenbach, W., Das Schriftwesen im Mittelalter, Graz 1896. p. 209 : “… scriptum est in ea digito Dei Verbum illud abbreviatum, quod fecit Dominus super terram…”.

     [35] Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1451.

     [36] Jordanus de Quedlinburg, Sermones Argentorati 1484 sermo 157. Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1452.

     [37] Summa theologica. Pars 4., tit. 15, cap. 15 (De nativitate sanctæ Mariæ). Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1457. Ibid., pour les exemples ultérieurs.

     [38] Ernst von Pardubitz, op. cit., loc. cit.; Meister Heinrich, cité par Schreiner, op.cit., 1970, pp. 1454–1457; Heinrich von St. Gallen, « Marienleben » (1410/20), cité par Hilg, op. cit., pp. 132–143; Antonin de Florence, cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1458.

     [39] Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. 11060–1, pp. 10–11. D’après Delisles (1880), Dehaisnes (1886) et Durrieu (1894), cette miniature aurait été exécutée par Beauneveu avant 1402. Fierens-Gevært (1924) et de Tolnay (1939) l’attribuent également à Beauneveu, mais ils en situent la date vers 1390. R. de Lastreyrie (1896), Durrieu (1906) et Delisle (1907) en accréditent Jacquemart de Hesdin. Panofsky (1953) y voit aussi l’œuvre du jeune Jacquemart de Hesdin (1380–1385), subissant l’influence de Bondol et de Beauneveu. Selon Porcher (1953 et 1962), elle serait due à un disciple “old fashioned” de Pol de Limbourg, et daterait des années 1406–1409. Meiss (1967) l’attribue à un peintre inconnu du Nord (vers 1390), fortement marqué par le trecento de Sienne. Pour une bibliographie détaillée, voir Calcins, R. G., The Brussels Hours Reevaluated, Scriptorium 24 (1970) pp. 3–26 (3, 4, 21) ; Farmer, J. D., On the Dating and Relationships of the Dedication Miniatures in the Brussels Hours, in Scriptorium 33 (1979) pp. 65–68 (p. 67 : l’auteur la situe avant 1405) ; Parkhurst, op. cit., pp. 300–302 (attribuée à Jacquemart, vers 1390).

     [40] Schiller, G., op.cit.,(n.12) IV, 1, p. 86 ; Schmoll gen Eisenwert, J. A., Sion-Apokalyptisches Weib-Ecclesia Lactans, in Miscellanea pro arte. Hermann Schnitzler zur Vollendung des 60. Lebensjahres am 13. Januar 1965, Düsseldorf 1965, pp. 81–110 (108).

     [41] Parkhurst, op. cit., p. 302, fig. 36 ; Meiss, M., French Painting in the Time of Jean de Berry. The Late Fourteenth Century and the Patronage of the Duke, London 1967, vol. I, p. 206 ; vol. II, fig. 669.

     [42] Paris, BN, fr. 926, fol. 2. Parkhurst, op. cit., p. 302, fig. 35; Meiss, op. cit., vol. I, p. 206; vol. II, fig. 667.

     [43] V. par. ex. Pierre de Luxembourg devant la Madone, Avignon, Musée Calvet, ms. 207, fol. 8 (Meiss, op. cit., vol. II, fig. 655).

     [44] Ni dans la tradition orale, ni dans la littérature théologique il n’existe de frontières imperméables entre les différentes significations. Dans son sermon sur l’Annonciation, cité plus haut, Pierre de Celle appelle le Christ stylus hominis, qui efface le nom des pénitents et inscrit dans le livre de Dieu celui des hommes dignes d’y figurer. La composition du relief de grès haut de 2 mètres et large de 1,1 mètres, transféré de l’église Saint-Martin de Hildesheim à l‘église paroissiale Saint-André remonte aussi à la Vierge du livre d’heures de Bruxelles. L’annuaire et l’auriculaire de la main gauche de la Vierge couronnée tiennent une banderole large; son index et son médius, l’Enfant habillé debout sur ses genoux. Le Christ tète et écrit. Marie pose sa droite tendue sur le long rouleau entortillé planant dans l’air, qui s’étire jusqu’au donateur représenté en petit en bas, à gauche. Le rouleau désigne ici à la fois la médiation et le corps de Marie. V. Habicht, V. C., Die mittelalterliche Plastik Hildesheims. Studien zur deutschen Kunstgeschichte, 195, Strassburg 1917, pp. 116–117. Pl. XX, fig. 47 ; Parkhurst, op. cit., p. 302, fig. 34.

     [45] Saint-Pétersbourg, Bibliothèque d’État, ms. Q. v. I, 8. Meiss, op. cit., vol. I, p. 206 ; vol. II, fig. 256.

     [46] Voir la note 27. Sur les analogies entre le livre et le rouleau, voir Braun, J., Buch (Buchrolle) als Attribut, in Reallexikon zur deutschen Kunstgeschichte, begonnen von O. Scmitt, Stuttgart I, 1937…, vol. II, Sp. 1339–1440. La miniature de Saint-Pétersbourg a de fortes affinités spirituelles avec un panneau exécuté vers 1330 et attribué à Bernardo Daddi (Joensuu, Joensuu Art Museum, Inv. no 210). Sur ce dernier, le trône de la Vierge et du Christ est entouré de six anges. Non seulement le Christ, mais la Madone pose aussi ostensiblement la main sur le livre ouvert devant Jésus, où l’on lit l’inscription suivante : “Im principio erat verbum et verbum erat apud deum et deus erat verbum hoc erat”. V. Offner, R., A corpus of Florentine Painting. The Fourteenth Century. The Works of B. Daddi, sec. III, vol. III. Nouvelle édition de M. Boskovits en collaboration avec E. N. Lusanna, Florence 1989, pp. 358–361, Add. Pl. IV.

     [47] Oxford, Bodleian Library, Douce 62, fol. 171v. Cf. Pächt, O. – Alexander, J. J. G., Illuminated Manuscripts in the Bodleian Library, Oxford, Oxford 1966, p. 50, no 637. Gorissen, op. cit., p. 254; Meiss, op. cit., vol. II, fig. 742.

     [48] Pächt – Alexander, op. cit., loc. cit. Le volume a été orné par le Maître des Initiiales de Bruxelles et un de ses élèves. La miniature en question est attribuée au Maître Étienne Loypeau par Pächt et Alexander, et à l’atelier Luçon par Meiss.

     [49] Miner, op. cit.; Verdier, op. cit.

     [50] Belting – Kruse, op. cit., p. 37. On peut classer parmi les premières représentations de la Vierge à l’encrier une des miniatures d’un livre d’heures sorti d’un atelier de Bruges (Carpentras, Bibliothèque de la Ville, ms. 57, fol. 55v; Parkhurst, op. cit.,(n.4) p. 297, fig. 20; Vlaamse miniaturen voor Van Eyck (ca.1380-ca.1420), Leuwen 1993. Cat. no 32 (30). (Je remercie Zsuzsa Urbach pour avoir attiré mon attention sur cette donnée.) Ici, l’Enfant observe la plume tenue dans sa main gauche, la Vierge ne lève pas l’encrier, mais le tient comme si elle avait une soupière ou une cuvette à lait à la main. Parkhurst se trompe d’ailleurs : la miniature franco-flamande reproduite par la fig. no 21 (aujourd’hui à Lisbonne, Gulbekian ms. L. A. 148, fol. 19v) ne montre pas d’encrier.

     [51] Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cod. 1855, fol. 202v ; (Parkhurst, op. cit., p. 298, fig. 24), Londres, British Museum, Add. Ms. 18550, fol. 199v.

     [52] La miniature de Londres est essentiellement identique, à ceci près que le champ du thème principal n’est pas aussi oblong. Sur les bordures, les anges musiciens sont remplacés par des scènes de la vie de la Vierge.

     [53] Exception faite de la miniature perdue ou détruite de Barcelone ; ici cependant l’encrier n’est pas dans la main de la Vierge, mais il est apporté par un ange. (Anciennement à Barcelone, S. María del Mar. Meiss, op. cit., vol. II, fig. 280).

     [54] Parkhurst, op. cit., pp. 302–303. Dans un livre d’heures parisien datant de 1420–1430, enluminé en partie par le Maître de Bedford, en partie par le Maître de la Légende dorée de Munich, la prière adressée aux quinze joies de Marie est accompagnée de la représentation de la Vierge allaitant. Assise sur un trône à baldaquin flanqué de deux anges, la Vierge couronnée repose ses pieds sur un coussin. Dans son bras gauche, il tient le Christ qui tète son sein, tandis que sa droite est levée en l’air à la manière des Madones à l’encrier. Les dimensions trop petites de la reproduction ne permettent pas de décider si elle a en effet un encrier à la main. Voir Sotheby’s Western Manuscripts and Miniatures, Londres, le mardi du 18 juin 1991, no 133, pp. 214–220; la reproduction en couleur se trouve à la page 214.

     [55] Verdier, op. cit., p. 249.

     [56] Voir notes 10, 12 et 61.

     [57] Cette dernière inscription apparaît sur la Vierge à l’encrier de Berlin, étudiée plus loin, aussi bien que sur le panneau de Sienne de Bernardo Daddi (Sienne, Museo Civico, no 73), la Madone exécutée vers 1320 par Lippo Memmi (Sienne, S. Clemente ai Servi), et ailleurs. Gorissen énumère à ce propos nombre d’exemples (op. cit., pp. 248–250).

     [58] Sur l’Ascension (Maiestas domini) de la porte datant du Ve siècle de la Santa Sabina, le rouleau contient le mot Ichtys (Jésus-Christ, Fils de Dieu, le Rédempteur). Schiller, op. cit., vol. III, p. 149, fig. 458.

     [59] Budapest, Musée des Beaux-Arts, no d’inv. 123, 68,2x59 cm, (sans cadre). Peint sur bois de chêne; le bord inférieur est mutilé. Pigler, A., Országos Szépmûvészeti Múzeum. A Régi Képtár katalógusa (Musée National des Beaux-Arts. Catalogue de la Galerie des Maîtres Anciens), I–II, Budapest 1967, vol. I, p. 770. Urbach, Zs., in Stephan Lochner, Meister zu Köln. Herkunft, Werke, Wirkung, Hg. F. G. Zehnder, Köln 1993, p. 382 (avec la bibliographie antérieure). Berlin, Staatliche Museen, Preussischer Kulturbesitz, Gemäldegalerie no d’inv. 2091, 67,5x45 cm. Originellement sur bois de chêne. Voir Berlin, Gemäldegalerie. Katalog der ausgestellten Gemälde des 13–18. Jahrhunderts, Berlin 1975. Vorw. H. Bock, p. 470 (avec la antérieure).Verdier remarque, il est vrai, la ressemblance du geste de la prise de la robe sur la miniature de Vienne du Maître de Bedford et les panneaux de Westphalie (op. cit., p. 250).

     [60] Les deux dernières monographies sur Konrad von Sœst ne les mentionnent point, même pas dans leurs notes. Engelbert, A., Conrad von Sœst. Ein Dortmunder Maler um 1440, Dortmund–Köln 1995 ; Corley, B., Conrad von Sœst. Painter Among Merchant Princes, London 1996. Ce dernier auteur met ailleurs en question la provenance westphalienne même du tableau de Budapest, sans proposer une autre origine (Corley, B., Stephan Lochner, Meister zu Köln. Herkunft – Werke – Wirkung, Kunstchronik 47 (1994) pp. 696–711 (700).

     [61] Ce motif symbolise peut-être la pureté immaculée et intouchable de la Vierge, le “rideau du Temple”, et cela d’autant plus que la main resserrant le manteau du Christ coïncide avec la ligne de la ceinture de Marie. Voir, à propos des sculptures de Lorraine, Schmoll gen. Eisenwerth, J. A., Lotharingische Madonnen-Statuetten des 14. Jahrhunderts, in Variæ Formæ Veritas Une. Kunsthistorische Studien. Festschrift Friedrich Gerke, Hg. J. A. Schmoll gen. Eisenwerth, H. Schnitzler, H. Wentzel, P. Ludwig, Baden-Baden 1962, pp. 119–148 (134–135). Verdier, op. cit. (n. 14) pense que ce geste fait allusion aux rapports de fiançailles de la Vierge et de l’Enfant Jésus. Schorr, D.C., The Christ in Devotional Images in the XIV th. Century, New York 1954, le type 24 : le geste par lequel l’Enfant prend le manteau de la Vierge est interprété par l’auteur comme une allusion à sa mort.

     [62] Voir les notes 56, 57 et 58, aussi bien que le texte auquel elles renvoient. Ce n’est pas par hasard que Ringbom recoure justement au panneau de Berlin pour illustrer sa thèse (Ringbom, op. cit., fig. 15).

     [63] Voir par ex. Urbach, in Szépmûvészeti Múzeum,op.cit., p. 59 : “exécutée par un peintre de Westphalie, l’œuvre provint donc de la région dont les artistes – et en particulier le plus éminent d’entre eux, Konrad von Sœst – ont subi les premiers les influences venues de France au début des années 1400”. Le Catalogue de Berlin dit (n. 59) : “… vielleicht geht die Darstellung auch direkt auf eine Komposition des franzözischen oder burgundischen Kunstkreis zurück”. Sur les relations entre Konrad von Sœst et les ateliers de miniatures parisiens, voir par ex. Rensing, Th., Rätsel um Konrad von Sœst, Westfalen 28 (1950) pp. 138–181. Sur les rapports étroits entre la Westphalie et Paris aux XIVe–XVe siècles, voir p. ex. Langemeyer, G., “Kölnisch” und “westfälisch” in der Tafelmalerei der Spätgotik, in Köln-Westfalen 1180–1980, 2 volumes, Münster 1980, Köln 1981, I, pp. 389–401.

     [64] Dortmund, Museum für Kunst und Kulturgeschichte, no d’inv. C 4978. Fritz, R., Das Halbfigurenbild in der westdeutschen Tafelmalerei um 1400. Ein Versuch über Herkunft und Deutung, Zeitschrift für Kunstwissenschaft 5 (1951) pp. 161–178.

     [65] Il voit cependant l’origine des Vierges à l’encrier non dans celles-ci, mais – se référant à Parkhurst – dans la statue en pied du cloître des carmélites de Mayence. Aurenhammer, H., Marienikone und Marienandachtsbild. Zur Enstehung des halbfigurinen Marienbildes nördlich der Alpen, Jahrbuch des Österreichischen byzantinischen Gesellschaft 4 (1955) pp. 135–149.

     [66] Localisation inconnue. Voir Shorr, loc. cit. (n. 61). N’écartons pas complètement l’hypothèse d’une image de dévotion similaire à celle gardée actuellement au trésor de la cathédrale Saint-Paul de Lüttich. Celle-ci est une icone byzantine exécutée vers 1200 ( ?) et repeinte vers 1400 aux Pays-Bas. Assis sur le bras gauche de la Vierge, l’Enfant ébauche de sa main droite une bénédiction et tient dans sa gauche un rouleau étalé. V. Belting, op. cit., p. 490 et fig. 266.

     [67] Tikkanen, J. J., Die Beinstellungen in der Kunstgeschichte, Helsingfors 1912, p. 164. Deus, W-H., Richter mit gekreuzigten Beinen, in Sœster Zeitschrift 82 (1970) pp. 18–22. Einem, H. von, Medici Madonna Michelangelo’s, in Rheinisch-Westfälische Akademie der Wissenschaften, Vorträge G. 190, Opladen 1973, pp. 8–30 (15).

     [68] Le code de procédure de Sœst prescrit que “es soll der Richter auf seinem Richterstuhl sitzen als ein griesgrimmender Löwe, den rechten Fuss über den linken schlagen”. Tikkanen, op. cit.; Deus, op. cit.; Quelques exemples de juges aux jambes croisées à Sœst : saint Pierre : l’empereur ordonnant le martyre au tympan de la porte Johannes (avant 1150) ; saint Patrocle : la verrière Patrocle avec le juge condamnant saint Paul (1160/1166) ; le Pilate de l’antependium de Sœst (anciennement à Berlin ; vers 1240) ; le Pilate de l’autel de Wildungen de Konrad von Sœst (premières années du XVe siècle), etc.

     [69] Bellot, geb. Beste, E., Das Werler Gnadenbild und Sœst, Sœster Zeitschrift 69 (1956) pp. 55–70. Preising, R., Das Gnadenbild von Werl, in Die Gottesmutter. Marienbild in Rheinland und Westfalen, Recklinghausen 1968, I, pp. 153–160; II, Cat. no 23. Deus, W-H., Richter mit gekreuzigten Beinen. Ein Nachtrag, Sœster Zeitschrift 83 (1971) p. 25. Endemann, K., Das Marienbild von Werl, Westfalen 53 (1975) pp. 53–80, avec une reproduction en couleurs.

     [70] Schwartz, H., Die Stadtsiegel von Sœst, Sœster Zeitschrift 67 (1954) pp. 9–12. Deus, W-H., Ikonographie des hlg. Patroclus, Sœster Zeitschrift 70 (1957) pp. 39–74 (45–77).

     [71] Die Parler und der schöne Stil 1350–1400. Europäische Kunst unter den Luxemburger, 1–6, Köln 1978, vol. 1, p. 61. (J. A. Schmoll gen. Eisenwerth). Sur le premier exemple proposé par Squilbeck (op. cit., p. 129), la Vierge de St. Trond (vers 1360), l’Enfant n’écrit pas, mais a un livre ouvert devant lui. Selon l’auteur,la Vierge tiendrait un encrier à la main. Didier, R.- Henss, M.- Schmoll gen. Eisenwerth, J. A., Une Vierge tournaisienne à Arbois (Jura) et le problème des Vierges de Hal. Contribution à la chronologie et à la typologie, Bulletin monumental 128 (1970) pp. 7–113. Sur la page 98, les auteurs se réfèrent à la pierre tombale gravée d’Amaury Dupont († 1430) et de Jeanne de Bailli († 1358) à Saint-Nicolas de Tournai, dans laquelle ils voient un exemple précoce du type iconographique en question. Or au lieu d’écrire, l’Enfant Jésus montre un livre ou un papier au spectateur.

     [72] Die Parler…op.cit., (n. 70), p. 93 (R. Didier – J. Steyært).

     [73] P. ex. Cologne, Schnütgen Museum, vers 1260. Voir Rhein und Maas. Kunst und Kultur 800–1400, 1–2, Schnütgen-Museum, Köln 1973, vol. 2, pp. 446–447, fig. 1–4.

     [74] Voir p. ex. la statuette de noyer ( ?) provenant de l’ouest de l’Allemagne : Dortmund, Museum für Kunst und Kulturgeschichte. In Kunstschätze aus zerstörten Kirchen Westfalens, Ausstellung 1948. Schloss Cappenberg über Lüne Vorw. R. Fritz no 38.

     [75] Sur Le Livre de la vie, voir p. ex. Kœp, L., Buch (himmlisch), in Reallexikon für Antike und Christentum, II, hg. von Th. Klauser, Stuttgart, 1954, pp. 725–732; Schiller, op. cit., III, p. 177; Richter, op. cit., p. 87. Sur le livre représentant le plan de la Rédemption, voir Büttner, F. O., Mens divina liber grandis est. Zu einigen Darstellungen des Lesens in spätmittelalterlichen Handschriften, Philobiblion 16 (1972) pp. 92–126 (99).

     [76] Feigel, op. cit., loc. cit. ; Verdier, op. cit., p. 254, note 23.

     [77] Saint Augustin, La Cité de Dieu, XX, 15; Hrabanus Maurus, Allegoriæ in S. Script, PL. 112, col. 987; Walafrid Strabo, Glossa ordinaria, PL. 114,col. 745; Haymo, Expos. In Apoc., PL. 117, col. 1190; Hugo de Sancto Victore, De arca Noe, PL. 176, col. 636, 645; Bonaventura, Lignum vitæ, 12e fruit, 46, etc. Voir Richter, op. cit.,(n.  ) pp. 87–88.

     [78] Dialogus miraculorum VIII, 35 : “Liber vitæ Christus est […] In pelle siquidem corporis ejus scriptæ erant litteræ minores et nigræ per lividas plagas flagellorum, litteræ rubeæ et capitales per infixiones clavorum, puncta etiam et virgulæ per punctiones spinarum […]”. Cité par Wattenbach, op. cit., pp. 208–209.

     [79] Voir p. ex. Fulbert de Chartres, Sermo I de Nativitate Beatissimæ Virginis, PL. 141, 322; Levi d’Ancona, M., The Iconography of the Immaculate Conception in the Middle Ages and Early Renaissance. Monographs on the Archaeology and Fine Arts Sponsored by the Archaeological Institutes of America and the College Art Association of America VII, New York, 1957, p. 54.

     [80] Voir la note 8 et le texte auquel il renvoie. La Madone de la “Korbgasse”  : Mayence, Mittelrheinisches Landesmuseum, no d’inv. S3097. L’original de la croix arborescente se trouve au Museum de Wiesbaden ; une copie contemporaine exacte, au Hessisches Landesmuseum de Darmstadt. Voir, pour les deux, Beeh, W., in Die Parler…,op. cit., (n. 70), I, p. 254 ; ibid., pour l’énumération des autres copies. Quant à la Madone des Carmélites de Mayence (Mayence, Karmelitenkirche, vers 1390), qui précède celle de la “Korbgasse” , la Vierge tient ici aussi une croix arborescente, tandis que l’Enfant s’accroche de sa main droite à la coiffe de sa mère et tient dans sa gauche un chardonneret. Cette fois, c’est l’oiseau qui tient dans son bec un long rouleau (Hasse, M., in Die Parler…,op.cit., (n. 70), I, p. 255).

     [81] Une statue gardée au Hessisches Landesmuseum de Darmstadt, originaire elle aussi de la région du Rhin moyen (Heuchelheim, début du XVe s.) représente une autre variante de l’Enfant écrivant (Schiller, op. cit., I,p. 33, fig. 44). On y voit la Vierge debout sur le lion de la tribu de Juda (Genèse XLIX, 9), d’où il s’ensuit que le livre entre les mains de l’Enfant est celui scellé de sept sceaux de l’Apocalypse V, 5.

     [82] Francfort, Liebighaus – Museum Alter Plastik, Inv. no 36; Corsaint; Paris, Musée de Cluny. Voir Maek-Gérard, M., Nachantike grossplastische Bildwerke Bd. II. Italien. Frankreich, Niederlande 1380–1530/1540, Liebighaus, Francfort-sur-le-Main, Melsungen 1981, pp. 129–130, Cat. no 63, avec la bibliographie des ouvrages consacrés à ce sujet.

     [83] Les gestes d’écrire et de désigner sont équivalents dans ce cas. Voir p. ex. Exode XXXI, 18; Jean VIII, 6, 8, etc. Voir aussi la Vierge à l’Enfant, Dijon, Musée des Beaux-Arts, et sur cette œuvre : Quarré, P., Höhepunkte Burgundischer Bildhauerkunst im späten Mittelalter, Würzburg 1978, 33 (p. 72). Une autre Vierge debout, similaire à celle-ci, se laisse également ramener à un original slutérien : le Christ montre ici au spectateur un large rouleau étalé. P. ex. celle de la rue Porte-aux-Lions de Dijon, transférée au Louvre; Vesoul,coll. part. Zurich, Kunsthaus. Voir Schmoll gen. Eisenwerth, J. A., Die burgundische Madonna des hamburger Museum für Kunst und Gewebe und ihre Stellung in der Sluter-Nachfolge, Jahrbuch der Hamburger Kunstsammlungen 6 (1961) pp. 7–28, fig. 6, 7 et 8. Voir aussi ibid., fig. 16 représentant la Madone de Saint-Jean-de-Losne : la Vierge a un livre ouvert dans sa gauche, et son enfant assis sur son bras droit tient un long rouleau devant le corps de sa mère.

     [84] Parkhurst, op. cit., fig. 15.

     [85] Sur le rôle particulier de saint Jean parmi les Évangélistes, voir p. ex. Schapiro, M., Two Romanesque Drawings in Auxerre and Some Iconographic Problems, in Studies in Art and Literature for Belle da Costa Greene, Éd. D. Miner, Princeton 1954, pp. 331–349 (334–337); O’Reilly, J., Saint John as a Figure of the Contemplative Life : Text and Image in the Art of the Anglo-Saxon Benedictine Reform, in St Dunstan. His Life, Times and Cult, Ed. N. Ramsay, M. Sparks, T. Tatton-Brown, Rochester N. Y. 1992, pp. 165–185. Sur le rapport spécial de saint Jean à l’Incarnation, voir p. ex. Norman, D., " In the Beginning was the Word ". An Altarpiece by Ambrogio Lorenzetti for the Augustinian Hermits of Massa Maritima,Zeitschrift für Kunstgeschichte 58 (1995), pp. 478–503 (493).

     [86] Van Gelder, J. G., Der Teufel stiehlt das Tintenfab, in Kunsthistorische Forschungen Otto Pächt zu seinem Geburstag, Ed. A. Rosenauer, G. Weber, Salzbourg 1972, pp. 173–182.

     [87] Baltimore, Walters Art Gallery, W125–126, W126, fol. 195v. Voir The International Style. The Arts in Europe around 1400, Baltimore 1962, no 45, pp. 48–49 ; van Gelder, op. cit., p. 178, fig. 7.

     [88] Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cod. 1855, fol. 13v.

     [89] Rotterdam, Museum Boymans Beuningen, no d’inv. 1083 ; van Gelder, op. cit., fig. 2.

     [90] Van Gelder, op. cit., p. 181.

     [91] “Forment li plaisoit l’escripture,

                   Son fain oblie pour la joie »

                   Voir Weber, A., La Vie de saint Jean Bouche d’Or, Romania 6 (1877) pp. 328–340 (p. 335 : lignes 394 et 395).

     [92] Van Gelder, op. cit., p. 181. Les italiques sont de l’auteur. Pour les mystères du début du XVe siècle, il est tout à fait légitime de prendre en compte l’influence des images du Diable répandant l’encre de l’Évangéliste.

     [93] Wittkower, R., Eagle and Serpent. A Study in Migration Symbols, The Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 2 (1938–1939) pp. 293–325 (p. 321; pl. 52/1).

     [94] Saint Augustin, Enarrationes in Psalmos CI–CL (CCSL XI Turnhout 1956, 1605, 1606). Voir aussi p. ex. Bède, Homilia, I, 8, où l’auteur cite le début de l’Évangile de saint Jean pour réfuter les hérétiques pour qui “si ergo natus est Christus, erat tempus quando ille non erat” (cité par O’Reilly, op. cit., p. 180).

     [95] Hanovre, Kestner Museum, MS. WM XXI a, 36 : O’Reilly, op. cit., p. 178 et fig. 38. Voir aussi entre autres la Bible de Stephen Harding, Dijon, Bibliothèque municipale, MS. 15, fol. 56v : Cahn, W., A Defense of the Trinity in the Cîteaux Bible, Marsyas 11 (1962–1964) pp. 58–62 (59–60).

     [96] Fait signalé aussi par van Gelder, op. cit., p. 178. Voir aussi Heckscher, W. S., Relics of Pagan Antiquity in Mediaeval Settings, The Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 1 (1937) pp. 204–220 ; à la page 216, l’auteur évoque à titre d’exemple l’inscription de la camée d’agate datant du Ier siècle dont Charles V fit don en 1367 à la cathédrale de Chartres.

     [97] Voir la note 32, ou par. ex. le sermon prononcé par Meister Heinrich à Nuremberg à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle (cité par Schreiner, « … Wie… », p. 1456.

     [98] Paris, Musée du Louvre, Cabinet des dessins, R. F. 2024 (Meiss, op. cit., vol. II, fig.37). L’art français du Moyen Age fournit des exemples relativement nombreux où la Vierge est accompagnée dans la Déisis non de saint Jean-Baptiste, mais de l’Évangéliste. Panofsky, E., A Parisian Goldsmith’s Model of the Early Fifteenth Century ?, in Beiträge für Georg Swarzenski zum II*** Januar 1951, Berlin, 1951, pp. 70–84 (81–82).

     [99] Voir p. ex. le Psautier de Bohun***, Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cod. 1826, fol. 157; “Petites Heures”, Paris, Bibliothèque nationale, 18014, fol. 120, avec le duc de Berry. Voir aussi la deuxième scène supérieure latérale de la fig. 15 de la présente étude, où la Vierge et Jean sont assis l’un à côté de l’autre.

     [100] L’Inventaire de décès du duc de Berry, l’item 68, 1416. Cité par Verdier, op. cit., p. 247 (à propos du caractère de tondo du panneau de Baltimore).