Anna Eörsi
Fuit
enim Maria liber
REMARQUES SUR
L’ICONOGRAPHIE DE L’ENFANT ÉCRIVANT ET DU DIABLE VERSANT L’ENCRE
J’ai choisi la Vierge à l’encrier attribuée à
un maître de Westphalie du Musée des Beaux-Arts de Budapest (no d’inv.
123, fig. 7.) pour présenter aux étudiants de la première année le know how de notre métier. En abordant
l’histoire du type, mais surtout celle de l’iconographie j’ai dû repenser
l’histoire de la représentation de l’Enfant
écrivant et de la Vierge à l’encrier. Je me suis rendue compte
que les travaux consacrés jusqu’ici à ce sujet n’éclairent pas de façon
satisfaisante l’origine et la signification de ce type iconographique. Je
tenterai donc d’apporter de nouvelles réponses à ces questions, tout en
essayant de situer ce panneau dans l’histoire de la représentation du sujet en
question.
I. État de la recherche
L’enfant « écrivant ou peignant » de
la Vierge dite de la
« Korbgasse » à Mayence évoque à Back un chant
populaire du Haut-Rhin.
En se référant à
la Madone Magnificat de Botticelli, Herbert von Einem
estime que la représentation de l’Enfant écrivant exprime la glorification de
la Vierge chez les peintres du
Nord également.
D’après Thomas et Feigel, le culte de l’Enfant
écrivant est née au sein de la confraternité du Saint Sang de Mayence, et ils
voient dans l’écriture la preuve de la sagesse du Christ, prévoyant ses
supplices futurs.
Parkhurst, qui a consacré la première étude
systématique à ce sujet, cherche la source du type iconographique dans
les écrits des mystiques dominicains.
Squilbeck met l’accent sur le rôle d’intermédiaire de
Marie ; selon cet auteur, la
Vierge à l’encrier dicterait à son enfant la
liste des rachetés par son intercession. Squilbeck rejoint P. Kronenburg (qu’il
ne connaît lui non plus que d’ouvrages de référence), qui y a vu une
interprétation du verset 14 du Chapitre II de l’Épître aux Colossiens de Saint Paul (« Il a effacé l’acte
rédigé contre nous et […] il l’a supprimé en le clouant à la
croix. »). Il ajoute que les Madones à l’encrier sont souvent
porteuses des symboles de la
Vierge immaculée : c’est une Marie pure des taches du
péché originel qui mène l’humanité sur la voie du salut.
A propos de la dite “première scène de
dédicace” du Livre d’heures de Bruxelles (fig.
1), Panofsky note que le peintre y a humanisé la notion ancienne de
la Mère de Dieu
identifiée au “trône de la sagesse” (sedes
sapientæ). D’après lui, les exemples ultérieurs de ce type
auraient des traits analogues avec les représentations de Marie enseignant son
enfant.
Réau identifie aussi “la Madone à l’encrier”
avec “la Vierge
apprenant à écrire à son enfant”.
Vetter fait remarquer que les interprétateurs ont négligé
les aspects formels en attachant trop d’attention aux prétendues sources
littéraires. Selon lui, le long rouleau de
la Vierge de la “Korbgasse” (fig. 12) “dient der »Sichtbarmachung«
des Wortes. Es liegt nahe, an den Anfang des Johannesevangeliums zu denken. Das
et verbum caro factum est is »übersetzt« in die Sprache der
mittelalterlichen Kunst : wie das Pergament eine Möglichkeit bietet, das
Wort als Erscheinung zu fassen, so verleiht Maria dem Logos Gestalt.
Beeh attribue à saint Bernard de Clairvaux la
paternité spirituelle du type en question. Il rejoint Feigel en voyant lui
aussi une allusion aux souffrances à venir et à
la Rédemption dans
le thème de l’Enfant qui écrit selon lui avec une plume trempé dans du
sang.
Tout comme Vetter, mais indépendamment de lui, Ringbom
estime qu’il ne faut pas chercher à tout prix des influences littéraires
dans l’apparition de l’Enfant écrivant, issue d’une modification de l’image de
dévotion byzantine de l’Hodigitria.
Le rouleau que le Christ tient à la main gauche – et qui symbolisait
à l’origine le Logos –
s’ouvrira progressivement dans les tableaux des peintres du trecento. “The Madonna of the Writing
Christ Child […] is one of several possible variations of the Madonna where
Christ holds a book”.
Miner note à propos du tondo de Baltimore que
l’Enfant écrivant apparaît tantôt comme la préfiguration du Christ enseignant,
tantôt – en écrivant le nom du spectateur dans le Livre de
la Vie – comme le symbole de
l’intercession (fig.5).
Selon Schiller, l’Enfant de
la Madone de la “Korbgasse” -
sous l’influence indirecte des visions de sainte Brigitte - est en train de
lire les prophéties messianistiques de
la Passion.
Rejoignant Ringbom, Gorissen fait remonter à l’Hodigitria byzantine l’origine de ce
type iconographique qui illustre à ses yeux la relation, devenue plus
personnelle, entre Dieu et le donateur.
Verdier note que l’acte d’écrire apparaît pour la
première fois vers 1375 à Tournai sur les statues représentant
la Madone debout (le Christ y
écrit dans un livre). Puis, vers 1400 à Mayence, le livre est remplacé
par un rouleau, avant que les enlumineurs franco-flamands n’ajoutent les motifs
de l’écriture et de l’encrier au thème de
la Vierge assise à
l’Enfant. Verdier voit l’élément principal du tondo de Baltimore dans
l’intercession de la Vierge
de la Compassion.
A propos du panneau de Budapest (fig. 7), Zsuzsa Urbach met
en lumière que la Vierge
a été la protectrice des lettrés, des poètes et des écrivains :
“L’Enfant qui écrit préfigure le Christ enseignant.”
Belting interprète le type de l’Enfant écrivant et
de la Vierge
à l’encrier dans le contexte d’un dialogue personnel entre les
personnages et les commanditaires de l’Andachtsbild.
Toutes ces interprétations contiennent bien des éléments
pertinents. Deux problèmes se posent cependant, à mon avis. Les
études compréhensives du sujet sont toutes à la recherche des sources
littéraires concrètes, alors que – et je suis d’accord sur ce point
avec Ringbom – il est fort probable que de telles sources n’ont jamais existé.
D’autres partent d’œuvres particulières pour expliquer l’ensemble
du type iconographique. Or ce qui est valable pour telle représentation ne
l’est pas nécessairement pour telle autre.
S’il existe une idée commune inspirant ces innombrables
Enfants écrivants et Vierges à l’encrier, elle doit être
recherchée dans la direction que Vetter a suivie en étudiant
la Vierge de la “Korbgasse”
(fig. 12).
II. Pellis virginea (parchemin vierge)
Le mot grec logos
désignait à l’origine le livre ou le rouleau de parchemin
lui-même. Depuis Jean I, 1 (In principio erat Verbum…), le rouleau symbolise le Logos, le
Verbe, et c’est en tant que tel que l’Enfant le tient dans sa main sur maintes
représentations byzantines de la
Vierge à l’Enfant. La thèse de Ringbom et de
Gorissen – selon laquelle l’iconographie de l’Enfant écrivant serait en rapport
avec celle des Christ au rouleau des images byzantines de
la Vierge – ne manque pas de
vérité, mais celle-ci se trouve ailleurs qu’ils ne le pensaient. Je reviendrai
encore à ce que le rouleau à inscription tenu par l’Enfant
deviendra, à l’époque du trecento,
un motif proleptique renvoyant au Rédempteur adulte. Par contre, la
représentation de l’Enfant qui écrit
effectivement est liée à l’Incarnation.
Sur certaines représentations byzantines ou
italo-byzantines de la Madone,
le rouleau a déjà symbolisé non le Logos, mais le corps de
la Vierge, puisque, en
dernière analyse, c’est elle qui contient
le Verbe. Éphraïm de Syrie († 373) appelle
la Vierge « écriture
scellée », dont aucun mortel n’est capable de déchiffrer les secrets. La poésie mystique
célèbre la Vierge
comme “livre vivant du Christ”, “scellé par l’Esprit” ; elle est “le livre
scellé, dont le texte n’est connu que du gardien du sceau lui-même”, elle
est “le rouleau de texte, dans lequel le Logos fut imprégné sans écriture
aucune”, etc. “Là [sur le
Sinaï], la Parole
de Dieu avait gravé la loi sur des tables de pierre, par l’Esprit, ce doigt
divin : ici, par l’action de l’Esprit-Saint et par le sang de Marie,
la Parole elle-même
s’est incarnée et s’est donnée à notre nature comme un remède de
salut plus efficace”, dit saint Jean Damascène († 754) dans une
homélie écrite à la naissance de la Vierge. Par conséquent, la
couleur rouge du rouleau de texte des Madones à l’Enfant byzantines et
italo-byzantines se réfère au sang de Marie. Sur une icône du XIIe
siècle de la Vierge de Tendresse, Jésus tient
derrière son dos le rouleau rouge “wie einen neu erworbenen Besitz”. La remise par Marie du
rouleau (cette fois couleur chair) à son enfant devient le motif central
de la Sainte Vierge de Kykkos (1080–1130, Sinaï, cloître Sainte-Catherine), qui
embrasse l’ensemble de l’histoire de
la Rédemption.
A mon sens, les prémisses des représentations de l’Enfant
écrivant doivent être recherchées dans ces rouleaux symbolisant le corps
de Marie, aussi bien que dans les textes y relatifs.
Plusieurs passages de
la Bible permettent d’identifier
la Vierge à un rouleau
ou à un livre (Isaïe VIII, 1 : liber grandis ; Isaïe XXIX, 11 : liber obsignatus ; Ézéchiel II,
8 : liber involutus ;
Matthieu I, 1 : liber generationis ;
Apocalypse V, 1 : liber signatus, etc.). Épiphane de Salamine
(† 403) voit dans la grande tablette
d’Isaïe VIII, 1, le sein immaculé de
la Vierge, portant l’écriture de Dieu
lui-même. Saint Jérôme
(† 419/420) affirme aussi qu’Isaïe VIII, 1, n’est autre chose que la
formulation imagée de la conception immaculée, et que le Fils né de Marie est
écrit en caractères ordinaires sur la table. Jacques de Sarouge
(† 521) écrit : “La
Vierge nous apparut comme une lettre scellée, recélant les
secrets et les profondeurs du Fils. Elle nous livra son corps saint comme une
feuille vierge, sur laquelle s’écrivit corporellement le Verbe lui-même.
Le Fils est le Verbe, et elle [Marie] est… la lettre, par laquelle tout le
monde fut pardonné.” L’évêque André de
Crète († 740) estime que l’écrit
scellé d’Isaïe XXIX, 11, est un livre renfermant un secret tout
nouveau, et que le Verbe divin a été tracé “par une verge propre à
l’homme” dans ce livre, c’est-à-dire dans
la Vierge.
Un des principaux animateurs du mouvement bénédictin au XIIe
siècle, Pierre de Celle († 1183) dit que
la Vierge est un livre dont la
couverture porte la marque de son humilité, et les pages celle de sa chasteté. Marie-livre fut faite du
“parchemin du premier homme”, c’est-à-dire d’une peau rude souillée par
le péché originel. Cette peau fut ensuite nettoyée par les vertus pour le
« scribe invisible » : le courage et la force firent disparaître
le poil poussé après la
Faute, tandis que la discipline et la mesure servirent de
pierre ponce pour éliminer définitivement toute impureté léguée par Adam. Les
lignes furent tracées par l’équité, qui guida ainsi les pas de Marie sur les
voies secrètes de la justice du Seigneur. La sagesse était la main qui
écrivit, cependant que l’encrier et l’encre furent fabriqués des épines de la
race de David. Le Saint-Esprit veillait
à ce que la facture du manuscrit fût parfaite, et le livre fut
finalement relié dans les lanières de la discipline et de la foi. Le Moyen Age a attribué
à Albert le Grand († 1280) le traité De Laudibus B. Mariæ de Richard de Saint-Laurent, qui compare
Marie à un livre : ses lettres sont les vertus de
la Vierge, son contenu est le
Christ, et il a été écrit par la plume du Saint-Esprit, trempée dans l’encre
noire de la mortalité humaine. Dans une chanson attribuée
à tort à Heinrich von Meiben (Frauenlob, † 1318), Marie se
présente comme le livre scellé de sept
sceaux de l’Apocalypse V, 1. L’évêque de Prague
Ernst von Pardubitz († 1364) identifie le liber generationis de Matthieu I, 1, avec
la Vierge : le doigt de
Dieu y aurait ainsi inscrit le Messie annoncé par Isaïe. Aux yeux du théologien
tchèque Johannes Milicius von Kremsier († 1374),
la Vierge est un livre béni
par Dieu, écrit avec foi et justice par le Saint-Esprit ; ce bonus liber non seulement contient les
paroles de la foi et de la vertu, mais a aussi engendré le Verbe incarné, le
Rédempteur de l’humanité. Selon Jourdan de
Quedlinburg († 1380), le sein de
la Vierge est le livre auquel nous devons la
naissance terrestre, inscrite dans la temporalité, du Logos divin. L’élément
humain de l’acte de l’incarnation est symbolisé par le stylus hominis d’Isaïe VIII, 1, guidé par trois doigts du
Saint-Esprit. Avec Antonin de Florence
(† 1459), nous nous éloignons dans le temps et dans l’espace du legs artistique
étudié. L’évêque de la ville de l’Arno établit un parallèle entre
les livres et Marie en invoquant que ceux-là contiennent le savoir et la
sagesse, tandis que la Vierge
est porteuse de la somme de la sagesse divine, à savoir du Fils de Dieu.
La grande majorité des textes cités se réfèrent
à la célébration de la naissance de Marie, et mettent généralement
l’accent sur le sein immaculé de
la Vierge. A l’instar de Pierre de Celle, plusieurs
auteurs insistent sur les analogies entre la fabrication du parchemin
(séparation, dépilage, nettoyage de la peau, lissage, réglage, pointillage du
papier, etc.), et la préparation du sein de
la Vierge, que les vertus
rendront progressivement digne de renfermer la sagesse divine. Il s’agit ici des phases
successives de la sanctification du sein maternel.
III.
La Vierge assise à
l’Enfant écrivant dans la miniature
Les premières représentations de l’Enfant écrivant
se nourrissent, à mon avis, de la tradition littéraire indiquée plus
haut. L’image la plus ancienne que nous possédons est
la Madone de la
“première scène de dédicace” du Livre d’heures de Bruxelles (fig. 1). Les deux
feuilles de parchemin arrangées en diptyque ont été insérées sans doute plus
tard dans le volume. A gauche, on voit le duc de Berry en prier, flanqué de ses
deux saint protecteurs, saint André et saint Jean-Baptiste. Dans le livre de
prières ouvert devant lui, on peut même lire les premiers mots de
la prière matinale Domine labia
mea aperies…. Sur la feuille de droite,
la Vierge est assise sur un
immense trône couvert de tissu doré, et l’Enfant habillé se tient sur ses
genoux, et lui tète le sein en s’y accrochant de la main gauche, et
écrit de sa main droite tout en regardant le spectateur; il écrit sur une
longue banderole onduleuse, qui est encore toute vierge.
La Vierge tient l’un des bouts
enroulé du parchemin avec l’annulaire et l’auriculaire de la main gauche, et ne
se sert que de son index et de son médius pour équilibrer son fils. Sa main
droite n’est pas occupée non plus à soutenir l’Enfant. Partant de sa
main gauche, le rouleau enlace son enfant à mi-corps pour planer en
longues volutes de l’autre côté, et
la Madone y pose la main droite avec un geste de
parfaite délicatesse. Dans l’arrière-fond, d’innombrables anges
accompagnés d’instruments chantent des hymnes à la gloire de
la Vierge et du Christ, (ce
dont témoignent les inscriptions, d’ailleurs très lisibles, Ave Maria et Gloria in excelsis).
Le motif de l’allaitement remonte probablement à un
modèle élaboré au trecento.
Les Madones allaitant l’Enfant affirment d’une part la réalité de l’Incarnation
(si le nouveau-né est humain, il doit être nourri), et le rôle
d’intercesseur de Marie de l’autre. Les deux significations sont étroitement
liées : c’est en qualité de mère du fils de Dieu que Marie transmet
au Seigneur les prières des mortels. Dans le cas de cette miniature,
l’allaitement peut avoir un sens supplémentaire : le Christ trop mûr
pour son âge tète le lait de la sagesse et du savoir, autrement dit les
vérités de la foi nouvelle.
De l’avis général, la longue banderole vide, planant dans
l’air viendrait d’une statue que l’artiste aurait imitée machinalement.
J’estime cependant que ce rouleau singulier, quasi surnaturel, doit être
interprété dans une optique toute différente. Il est, à mon sens, le
symbole du Verbe incarné, le symbole du corps que le Christ a reçu de
la Vierge. C’est la raison
pour laquelle la Vierge
partage les doigts de sa main gauche entre le parchemin et le Fils, et qu’elle
pose sa droite avec tant de délicatesse protectrice sur l’autre bout du
rouleau. Cela explique aussi le flottement miraculeux du rouleau, et l’absence
de tout texte. (C’est l’acte d’écrire
qui importe, et non pas son contenu.) Quant aux anges de l’arrière-plan,
ils glorifient l’incarnation du Verbe.
Il existe encore deux représentations contemporaines de
l’Enfant écrivant, qui se rattachent étroitement à
la Madone du Livre d’heures de Bruxelles, provenant
également de l’entourage du duc de Berry. L’une est une figurine d’ivoire
française haute de 32 centimètres, qui se trouve au Louvre (fig. 2). Selon Meiss, elle date de
la fin du XIVe siècle, et remonte au même prototype que
la Vierge du Livre d’heures de Bruxelles. La posture
de l’enfant – à l’exception de son regard – est identique à celle
de l’Enfant Jésus de la miniature. Sur la figurine, les deux mains de
la Vierge sont beaucoup plus
naturelles : sa gauche ne fait que tenir l’enfant, tandis que sa droite
prend d’un geste cette fois naturel la banderole devenue plus courte. Je crois
pourtant que cette figurine doit être interprétée de façon analogue
à la miniature : la main droite de Marie montre ici au spectateur le rouleau symbolisant le Verbe incarné,
plutôt qu’elle ne le protège.
La troisième œuvre appartenant à ce
grouupe est le frontispice, exécuté entre novembre 1405 et mai 1406, d’un livre
contenant des traités moraux; elle provient, selon Meiss, de l’atelier Luçon
(fig.3). Elle représente la fille
du duc de Berry, sa propriétaire, priant
la Madone en compagnie d’une de ses dames d’honneur.
La Vierge et
son Enfant ressemblent ici davantage aux figures de la miniature de
Bruxelles : le Christ tétant sa mère essaie de regarder aussi le
spectateur, et la banderole sur laquelle il écrit est de nouveau très
longue. Marie est assise sur un trône monumental, et ses deux mains
révèlent que l’artiste avait vu de ses propres yeux la miniature de
Bruxelles. Pourtant, en raison d’un certain nombre de modifications plus ou
moins importantes, cette représentation a un message différent de celui de
la Madone de Bruxelles et de
la figurine du Louvre. La banderole est cette fois couverte de texte. On y voit
la prière du donateur : “Mater
dei memento mei… Pater noster qui es in cælis sanctificetur nomen tuum.
Adveniat regnum tuum” (Matthieu VI, 9–10), suivie du “fiat” du Christ. Cette banderole n’est pas le symbole du Verbe
incarné, et ce non seulement en raison du texte qu’elle contient. Son bout a
glissé de la main gauche de
la
Vierge. Ici aussi, elle n’emploie que deux doigts (l’index et
le médius) à soutenir l’Enfant, alors qu’elle pourrait très bien
se servir aussi de son annulaire et de son auriculaire, car ils ne tiennent
rien. Le peintre a fait preuve d’un peu plus d’habileté en transformant la main
droite de la Vierge :
celle-ci la tient de nouveau au-dessus du rouleau, tout comme sur le prototype,
mais tend ici l’index et l’auriculaire vers le demandeur. Ce geste, dit de corno, signifie dans ce contexte
l’encouragement, l’incitation. Les modifications vues dans la miniature
pouvaient être inspirées par des représentations de donateurs, où
le texte de la prière de demande du commanditaire s’enroule sur une
longue banderole se dirigeant vers
la
Madone et son Enfant. Élément nouveau, la
couronne de la Vierge
exprime que la médiatrice est la reine du Ciel. Le motif de l’Enfant écrivant a
changé de signification : le rouleau et le texte se rapportent ici non
à l’Incarnation, mais à l’intercession.
Parmi les miniatures franco-flamandes provenant de
l’entourage du duc de Berry, il existe encore une où le sens originel de
l’acte d’écrire est conservé. Comme
la Vierge de Bruxelles, cette image accompagne aussi
la première prière d’un autre livre d’heures. Meiss l’attribue
à Jacquemart, et la date vers 1410 (fig. 4).
La Vierge coiffée d’une
couronne est assise sur un trône de pierre, tenant sur son genou gauche
l’Enfant demi-nu. La tête du Christ est cernée de rayons de
lumière; il écrit non sur un rouleau, mais dans un livre ouvert, et il
ne tète pas. Deux couples d’anges tiennent une banderole des deux côtés
du trône. La posture de la mère et du fils, tenant ensemble le livre
devant le sein de la Vierge,
et le geste solennel et cérémonieux avec lequel ils le montrent au spectateur
rappellent la phrase de Jacques de Sarouge :
la Vierge “nous livre son
corps saint comme une feuille vierge, sur laquelle s’écrivit le Verbe
lui-même…”.
L’analogie entre l’Incarnation et l’écriture repose sur ce
que le spirituel devient pour ainsi dire matériel dans les deux cas. En
dernière analyse, c’est ce qui est exprimé par la figure de l’Enfant
écrivant. Mais il s’agit aussi de la glorification de
la Vierge, qui a livré son
corps au Verbe. Voilà pourquoi elle est entourée d’anges et de
banderoles célébrant ses mérites; voilà pourquoi elle est souvent
représentée plus tard avec une couronne et – en signe de sa pureté
immaculée – avec les attributs de
la Femme de l’Apocalypse.
IV.
La Vierge à l’encrier
Vers 1400, un motif nouveau apparaît dans les ateliers de
France : la Vierge
tient parfois un encrier à la main. D’après Gorissen, la
représentation la plus ancienne qui nous soit parvenue se trouve dans un livre
d’heures à l’usage parisien, écrit en latin et en français. Étant donné que
l’enluminure est de petite dimension et qu’elle porte aussi la marque de
l’intervention ultérieure d’une main non identifiable, il serait trop osé d’en
tirer des conclusions de grande portée. Assis sur le genou gauche
de la Vierge,
l’Enfant Jésus nu tend sa main vers l’encrier que
la Vierge tient devant son
sein dans sa droite. L’image illustre les heures du Saint-Esprit, en
particulier la prière commençant par “Doulce
Dame de misericorde, fontaine de tous bien qui portats iesu christ”. Elle
est donc liée au thème de l’intercession.
Le tondo de
la Walters Art Gallery de Baltimore date probablement
du début du XVe siècle (fig. 5). Miner l’attribue à un
inconnu flamand qui aurait allié le style des enlumineurs de Paris à
celui de la sculpture dijonnaise, tandis que Verdier y voit une œuvre
sortie d’un atelier fortement marqué par l’influence de Brœderlam et des
peintres de Cologne, où Herman Scheerre aurait également séjourné. Représentée en Femme de l’Apocalypse,
la Vierge tient cette fois
encore l’encrier dans sa main droite levée devant son sein. Un étui à
plume pend à son poignet. Dans son bras gauche, elle tient l’Enfant
Jésus habillé, qui approche sa plume de l’encrier, et tient un morceau de
papier à sa main gauche. Cette fois aussi, le propriétaire espère
que la Madone
et l’Enfant écrivant interviendront en sa faveur.
Les premières représentations de ce genre
comprennent encore deux miniatures très semblables par le Maître
parisien des Heures du duc de Bedford, datant de la première moitié des années 1420 (fig.
6). Venu probablement des
Pays-Bas, le peintre connaissait à fond l’art de Beauneveu et de
Jacquemart. L’image introduit dans les deux livres d’heures la prière
adressée au quinze joies de
la
Vierge. Dans une salle voûtée,
la Vierge couronnée est assise
sur un trône à baldaquin. Ses pieds reposent sur un coussin. Elle
lève de sa main gauche l’encrier, auquel est attaché un étui à
plume, et tient avec sa droite son enfant habillé, qui pose le pied gauche sur
son genou droit nu, et tient un long rouleau vierge dans sa main droite. Le
Christ tend sa main gauche en avant, mais pour s’accrocher au manteau de sa
mère, et non pour atteindre l’encrier. Encore au premier plan, à
droite, deux anges s’approchent de
la
Vierge et de l’Enfant. Le premier offre une pomme au Fils et
prend le bout du rouleau; le second apporte un plat plein de fruits. En bordure
de la miniature de Vienne, on remarque encore des anges musiciens.
Sur les représentations citées jusqu’ici,
la Vierge tient donc l’encrier
devant son corps, et l’Enfant n’écrit pas. Parkhurst estime que
l’encrier remplace le lait de sein. A mon sens, Verdier est
plus proche de la vérité lorsqu’il note à propos du tondo de Baltimore
que le “réalisme symbolique […] investit ici les outils de l’écriture de la
magie créatrice du Verbe”.
Je parlerai de l’origine de l’encrier de
la Vierge dans la
dernière section de la présente étude.
La question qui se pose maintenant est de savoir si les
premières Vierges à l’encrier ont la même signification que
les premières représentations de l’Enfant écrivant. Il semble que le
livre d’heures d’Oxford et le tondo de Baltimore empruntent en premier lieu au
sens oriiginal de ces dernières l’idée de l’intercession. Dans le
premier cas, ni le livre ni le rouleau ne renvoient au Verbe incarné ;
dans le second, le morceau de papier dans la main gauche du Christ n’est pas
accentué. Or le cas des deux miniatures du Maître Bedford est différent. Ici le
rouleau est bien mis en valeur, mais il n’est plus tenu par
la Vierge, mais par le Christ,
et de sa main il s’étire, entortillé, jusqu’à l’un des anges. Ce rouleau
ne symbolise pas le sein immaculé de
la Vierge. A mon avis, ce type – mais uniquement
celui-ci – illustre la thèse de Ringbom et de Gorissen sur le rouleau
étalé de l’Hodigitria. Les rouleaux inspirés par
l’Hodigitria du trecento font lire le plus souvent les phrases révélatrices du
Christ : “Ego sum lux mundi”
(Jean VIII, 12); “Ego sum alpha et o,
principium et finis” (Apocalypse I, 8); “Ego
sum via, veritas et vita” (Jean XIV, 6), etc. Sur les deux miniatures du
Maître de Bedford, le rouleau est pour ainsi dire le prolongement du corps du
Christ. Dans tous ces cas, il s’agit, à mon sens, de la prolepse du
rouleau étalé du Législateur de l’Église primitive, ou du Rédempteur montant au
Ciel. Sur ces représentations, le Christ ouvre, montre ou transmet le rouleau
(hérité d’ailleurs de l’empereur romain) en signe de révélation de
lui-même et du Nouveau Testament.
V. Les panneaux de
Westphalie (Budapest, Berlin)
Jusqu’à présent, personne n’a remarqué les fortes
similitudes entre les Vierges à l’encrier de Budapest et de Berlin d’une
part, et les deux miniatures mentionnées ci-haut du Maître de Bedford de
l’autre (fig. 7 et 8). Ces tableaux étaient
auparavant attribués à l’atelier de Konrad von Sœst ;
aujourd’hui, on se contente d’affirmer qu’ils ont été exécutés dans les années
1420 dans un atelier de Westphalie.
Au point de vue de leur style, de leur type et de leur
iconographie, les deux panneaux de dimensions à peu près
identiques ont des rapports de parenté évidents. Dans les deux cas,
la Vierge tenant son enfant
dans son bras gauche apparaît devant un fond d’or. Le Christ porte une robe de
brocart de soie épais, qui laisse voir sa chemise blanche. Il tient de sa main
gauche une banderole, tandis qu’avec sa droite il prend la bordure du manteau de
sa mère. Son pied gauche est posé sur son genou droit nu. La droite
levée de la Vierge
tient un encrier avec une plume dans celui-ci. Un étui à plume est
suspendu à son poignet par un fil rouge.
Quant aux différences entre les deux tableaux,
la Vierge de Berlin porte une
simple coiffe blanche, tandis que celle de Budapest est coiffée d’une couronne
ornée de perles et d’aigles couleur d’or, et est entourée de six anges
musiciens. La Vierge
de Budapest est vêtue d’une robe plus richement ornée, dont la bordure
est tissée des mots « Maria, Mater ». (Les lettres inscrites dans
l’auréole de l’enfant sont illisibles.) Le fond d’or du panneau de Berlin est
inciséé d’un dessin riche en motifs où l’on voit apparaître, à
côté des motifs végétaux et des inscriptions koufiques, l’aigle regardant
à gauche, semblable à celui de la couronne de Budapest. Sur le
tableau de Budapest, le texte indéchiffrable du rouleau de l’Enfant est écrit
au noir, cependant qu’on lit sans peine le texte écrit au rouge sur la banderole
de Berlin : “Ich bin der wech, die
warheit un leven” (Jean XIV, 6).
Pour ce qui est des ressemblances entre les deux panneaux
d’une part, et les Vierges à l’encrier du Maître de Bedford de l’autre,
remarquons que l’Enfant est toujours vêtu de la même manière
et qu’il fait partout les mêmes gestes pour rejeter sa tête en
arrière, pour s’accrocher d’une main à la robe de sa mère et tenir de l’autre le
rouleau, et pour poser l’un de ses pieds sur son autre genou nu. Partout,
la Vierge incline la
tête vers le Fils, tient de quatre doigts l’encrier, et touche de l’autre
main le pied du Christ. La miniature de Vienne et le panneau de Budapest ont
encore pour motifs communs la couronne et les anges musiciens. De même
que sur les miniatures, le rouleau est ici aussi le symbole de la révélation de
soi : la façon dont il est tenu et le texte de celui de Berlin rappellent
les rouleaux étalés des Madones du trecento. La main tenant le rouleau
de l’Enfant de Budapest semble être couverte de tissu blanc.
Comment s’expliquent toutes ces similitudes entre les
miniatures du Maître de Bedford et les panneaux? Théoriquement, il existe trois
possibilités : ils remontent tous à un prototype commun; les deux
panneaux (ou leur modèle commun) ont été peints d’après les
miniatures (ou d’après le modèle commun de celles-ci); (ou
inversement) les miniatures suivent la composition des tableaux. La
dernière hypothèse peut être exclue : une Vierge en
pied a pu servir de prototype à une représentation à mi-corps,
mais ce n’est guère possible inversement. Quant aux dates, notons que l’ante quem non des miniatures est 1422,
année à laquelle leur commanditaire Jean de Lancastre, duc de Bedford
est devenu régent de France. Il est fort probable que les panneaux ont vu le
jour après, et non avant cette date.
Les peintres de l’atelier de Westphalie d’où étaient
issues les deux Madones pouvaient connaître
la Vierge à l’encrier
du Maître de Bedford ou son prototype. Mais cela n’explique pas
encore suffisamment la genèse des Madones de Budapest et de Berlin. L’on
sait qu’au XVe siècle les Vierges représentées à
mi-corps sont rares au nord des Alpes; elles ne surgissent que dans certaines
conditions – en général par suite de la transformation de prototypes italiens
ou italo-byzantins – en Bohême, en Bourgogne, à Cologne, en
Westphalie et aux Pays-Bas. Fritz estime que toutes les Vierges de ce genre
peintes en Cologne et en Westphalie au XVe siècle (y compris
les deux Vierges à l’encrier) remontent à la “Madone de
Fröndenberg”, née d’une Hodigitria
italo-byzantine remaniée par Konrad von Sœst au début des années 1400. Aurenhammer suppose que
plusieurs images de dévotion italo-byzantines connues en Westphalie inspiraient
les peintres de cette province. Il est possible qu’une
Vierge italienne ou italo-byzantine représentée à mi-corps ait contribué
à l’apparition de cette représentation sur la miniature française. Une
composition du Maître Ovile de Sienne rappelle de très près – mutatis mutandis – les Madones de
Westphalie : assis sur le bras gauche de Marie, l’Enfant habillé
s’accroche de sa main droite au bord du manteau de sa mère et tient de
sa gauche une banderole contenant le mot “fiat”.
Qu’est-ce qu’on sait des circonstances dans lesquelles les
Madones de Westphalie ont été commandées ? Pourquoi existent-elles en
plusieurs exemplaires ? Pourquoi la miniature du Maître Bedford
venait-elle à propos aux peintres ?
La position singulière des jambes du Christ sur les
panneaux demande à être expliquée.
Les jambes croisées expriment généralement la puissance,
bonne ou mauvaise. Ce geste est aussi le propre des penseurs, des écrivains et
des lecteurs. Il apparaît
particulièrement souvent dans la ville de Sœst en Westphalie :
au témoignage des sources écrites et de l’iconographie, les jambes croisées
représentaient surtout le pouvoir de juger. Une œuvre à
remarquer dans notre contexte est la sculpture de culte de Werl, gardée
à Sœst jusqu’au milieu du XVIIe siècle (fig. 9). Datant du premier tiers du
XIIe siècle, la statuette haut de 68 centimètres a été
repeinte et retaillée à plusieurs reprises. Il s’agit d’une variante
particulière à
la
Westphalie et à
la Scandinavie de
la Madone sedes sapientiæ. L’idée principale de ce type iconographique
est que le Christ, Verbe incarné et Sagesse divine personnifiée, occupe son
trône terrestre qui n’est autre que le sein de
la Vierge. Sur la
statuette en question, les caractéristiques générales du type ressortent aussi
de la posture de la Vierge,
vue de face, coiffée de couronne, assise majestueusement sur son trône et tenant
une pomme dans sa main droite. Le Christ, représenté en petit adulte au milieu
du sein de sa mère, donne la bénédiction de sa main droite et pose sa
gauche sur un livre. Seule cette variante révèle les traits particuliers
suivants : l’enfant – pour annoncer la future dignité de juge du Christ –
croise ostensiblement ses jambes, tandis que
la Vierge montre ses deux
paumes au spectateur. De plus, la figurine de l’Enfant, peinte et taillée
à part, peut être détachée de la composition.
D’après la tradition, la statuette miraculeuse
serait originaire de la Terre
sainte. Au XIIIe siècle, un moine nommé Bertold de l’ordre
des Prémontrés et son frère, le chanoine Menrich l’emportaient avec eux
pour parcourir toute la
Westphalie, et toute une série de miracles se produisirent
pendant leur voyage. Les aumônes recueillies servirent à la construction
d’un cloître et d’une église sur le Hableiberg près de Fröndenberg. De
là, la statuette fut d’abord transférée au cloître cistercien fondé en
1225 de Fröndenberg, puis – dans des circonstances miraculeuses – à
l’église Santa-Maria-zu-Wiese de Sœst. Dispensatrice d’indulgences, elle
attira bientôt des masses de pèlerins et devint l’ornement majeur des
processions. Les supérieurs de
la Wiesenkirche la transportaient avec ostentation
à l’anniversaire de la consécration de la cathédrale dédiée à
saint Patrocle, fête principale de la ville où chaque paroisse
défilait avec son trésor le plus précieux.
Les deux Madones à l’encrier de Westphalie sont pour
ainsi dire les représentations picturales “modernes” de la statuette de culte.
Le Christ habillé y croise aussi ostensiblement les jambes, mais le livre
à sa main gauche est remplacé par un rouleau. D’un geste peu naturel,
la Vierge courbe en
arrière son poignet (seulement l’un des deux cette fois) et montre au
spectateur sa paume où la pomme a cédé la place à l’encrier. A
mon avis, le peintre a reçu pour tâche de transposer en peinture – sous une
forme plus “moderne” – le thème de la statuette, et il a recouru
à la Vierge
à l’encrier du livre d’heures du Maître de Bedford pour représenter avec
plus de réalisme le poignet renversé de Marie et les jambes croisées du Christ.
Le message de la statuette et des tableaux est identique : la sagesse
divine s’est incarnée dans un corps humain mortel.
C’est tout ce que l’on peut avancer comme preuve sur la
parenté spirituelle entre la célèbre statuette et les panneaux, à
moins qu’on ne veuille prendre en compte l’existence de plusieurs œuvres
similaires. Il est toutefois certain, à mon avis, que la genèse
des deux tableaux est liée à la ville de Sœst. Le bouclier de saint
Patrocle, protecteur de la ville, est orné d’un aigle couleur d’or aux ailes
étendues et regardant à gauche sur un fond noir, et ce même oiseau
apparaît encore sur le sceau et dans les armoiries de Sœst. Cet animal héraldique
signifie que la ville s’est placée sous la protection de l’Empire germanique.
Les trois aigles couleur d’or sur fond noir, qui ornent la couronne de
la Vierge de Budapest, et le
motif à aigles du fond d’or du panneau de Berlin portent à croire
que les deux tableaux ont été exécutés pour des commanditaires de Sœst.
VI.
La Vierge debout à
l’Enfant écrivant dans la sculpture
Parmi les statuettes représentant l’Enfant écrivant, la
plus ancienne dont nous disposons a été exécutée un peu plus tôt que la
miniature la plus ancienne qui nous soit parvenue.
La Vierge de la chapelle
dédiée à Marie de l’église Saint-Juste d’Arbois a été vraisemblablement
taillée entre 1375 et 1378 dans un atelier de Tournai(fig. 10). La Madone apparaissant
entre deux anges du portail sud de la basilique Saint-Martin de Hal est issue
probablement aussi d’un atelier de Tournai quelques années plus tard (fig. 12). Dans les deux cas,
la Vierge est coiffée d’une
couronne et tient une fleur à la main droite. Assis sur son bras gauche,
l’Enfant Jésus écrit dans un livre ouvert.
Ce livre représente originellement la sagesse divine. Il
remonte au livre de sedes sapientiæ,
que le Christ montre ouvert aux fidèles à partir du XIIIe
siècle. La figure de l’Enfant
assis sur le bras de la Vierge
debout et lisant un livre ouvert n’est plus rare au début du XIVe
siècle. Ce livre symbolise la
prescience de l’Enfant, qu’il s’agisse du Livre
de la vie, de l’Évangile contenant son enseignement ou du plan de
la Rédemption. Les
premières statues de l’Enfant écrivant sont nées de la modification de
ce type. Il se peut qu’elles aient voulu représenter d’abord l’inscription par
le Christ de noms dans le Livre de la vie,
(hypothèse que l’on pourrait justifier en montrant que le sujet en
question est apparu pour la première fois sur un monument funéraire,
mais les preuves manquent à cet égard). A Arbois, à Hal et
ailleurs, le motif apparaît sans aucun contexte funéraire. Certains ont soutenu
que le Christ s’y serait servi d’un clou pour écrire dans le livre. Quoi qu’il en soit, je
pense que ceux qui ont conclu à partir des motifs de l’Enfant écrivant
et de la Vierge
à l’encrier à la prémonition de
la Passion sont, dans ce cas,
le plus proche de la vérité. Le Livre de
la Vie de l’Apocalypse (III, 5 ; XVII, 8 ;
XX, 12 ; XX, 15) a été considéré depuis saint Augustin comme celui de la
prédestination ou de la prescience, et a été identifié à partir du IXe
siècle avec le Christ lui-même. Selon Cæsarius de
Heisterbach († 1240), le “livre - Christ” fut l’œuvre de
la Passion : les lettres
y furent inscrits par des coups de fouet, les rubriques y furent enfoncées par
des clous, les signes de ponctuation par des épines.
Les premières statues de l’Enfant écrivant sont
à peu près contemporaines aux premières peintures, et ont
été exécutées dans l’aire de rayonnement d’un même artiste :
Beauneveu. L’acte d’écrire n’a pas ici le même sens, et le livre n’est
pas la métaphore du corps de
la
Vierge. La pureté immaculée de
la Madone est symbolisée
maintenant par la fleur : c’est en se préservant du péché originel qu’elle
devient digne d’être le récipient de la sagesse divine.
Dans une série postérieure de sculptures de Madones debout,
le Christ tient – avec sa mère – un rouleau. Comme Vetter l’a
déjà remarqué à propos de
la Madone de la “Korbgasse” , le rouleau renvoie ici
à l’Incarnation, au corps reçu de Marie par le Fils de Dieu. Portant une couronne
énorme, la Madone
de la “Korbgasse” a un sarment à la main droite et l’Enfant sur sa
gauche (fig. 12). Le Christ écrit sur un long rouleau qu’il appuie sur son
genou et qui s’enroule autour du corps de
la Vierge, descendant jusqu’au sol. Il a un creuset
(un encrier ?) à la main gauche. Le sarment est en même temps
une croix arborescente, avec un pélican à son sommet et le Christ
crucifié, dont le sang est recueilli dans une coupe par des anges. L’on est
naturellement amené à penser que le sens symbolique de l’Enfant écrivant
complète celui du Christ sur la croix. Ce dernier représente
la Rédemption ;
le premier, l’Incarnation. La façon dont la banderole étroite s’enroule autour
de la Mère
et du Fils, et les doigts de la
Vierge divisés cette fois entre le rouleau et le sarment (cf.
la Madone du
livre d’heures de Bruxelles) rappellent la métaphore du Dieu s’inscrivant dans
le sein virginal.
Au début du XVe siècle, plusieurs Vierges
ont été taillées en Bourgogne (probablement à Dijon), où
la Vierge et l’Enfant tiennent
ensemble une large banderole. A mon sens, le rouleau symbolise aussi dans ces
cas le corps de la
Mère de Dieu. Sur une Madone de Claus Sluter – dont
nous ne disposons que des copies, l’original étant perdu (fig. 13) –, l’Enfant
Jésus est couché sur la hanche gauche de sa mère au lieu d’être
assis sur son bras. Il tient le bout enroulé du rouleau à sa droite,
tandis qu’il désigne de l’index de sa main gauche la large banderole embrassant
le corps de sa mère. La
Vierge serre son enfant de sa gauche contre son corps, tout
en posant à son tour la main sur le rouleau. Bien que la formule soit
différente – ou plutôt plus simple –, l’intention de l’artiste fut la
même que celle des peintres de la scène de dédicace du livre
d’heures de Bruxelles et de la
Madone de la “Korbgasse” :
la Vierge tient dans la
même main le rouleau, symbole de son propre corps, et l’Enfant dans
lequel s’est incarné le Verbe.
L’idée en question – à savoir que le Logos incarné
s’inscrit dans le corps virginal reçu de Marie – est exprimée didactiquement,
mais en même temps transposée en « scène de genre » par
la Madone de l’église
paroissiale d’Einruhr (vers 1500). Le large rouleau est posé
directement sur le sein maternel. Assis sur le bras droit de
la Vierge, l’Enfant nu le
ramène d’une main sur le sein de sa mère, et y écrit de l’autre.
La Vierge se sert des deux
mains pour tenir et pour serrer contre elle-même l’Enfant et le bas du
rouleau.
VII. L’encrier et le
versement de l’encre
D’où est-ce que les peintres français et
franco-flamands ont puisé l’idée de mettre un encrier dans la main de Marie ?
Elle leur venait sans doute des représentations d’Évangélistes, dont les
“instruments de travail” comprenaient dès le début le rouleau et les
outils de l’écriture, y compris l’encrier. Cette transposition s’imposait aussi
par le fait que les Évangélistes sont les messagers de bonnes nouvelles (v. Isaïe XLI, 27), les hérauts du
verbe.
L’encrier de saint Jean joue un rôle proéminent dans notre
histoire. C’est d’ailleurs lui qui a appliqué le premier la notion grecque du logos à la troisième
personne de la
Trinité. Dans un certain sens, il est ainsi non seulement
l’annonciateur, mais aussi le “créateur” du Verbe-Logos.
Or l’encrier de saint Jean l’Évangéliste joue dès
les années 1380 un rôle de premier plan dans la peinture française de
miniatures. Il est l’accessoire principal d’un épisode dramatique : le
Diable en verse le contenu pour empêcher Jean de continuer son
œuvre. Bien que l’événement se
soit produit à Pathmos, il sert d’introduction dans la plupart des cas
à l’Évangile de Jean. Le premier exemple qui nous soit parvenu est
l’illustration, exécutée vers 1380, d’une Bible
historiale possédée jadis par le duc de Berry (fig. 14). Elle montre le jeune saint
Jean assis au milieu d’une petite île et écrivant sur un parchemin posé sur ses
genoux. Il vient de commencer son Évangile par les mots “In principio erat verbum et verbum” -
c’est tout ce que l’on peut lire sur le parchemin. Il ne peut pas continuer,
puisqu’un diable, qui fuit déjà les lieux, vient de renverser son
encrier et l’encre se répand sur le sol. Van Gelder cite encore nombre de
miniatures françaises représentant toujours saint Jean à l’île de
Pathmos, qui a déjà commencé son Évangile au moment où son
encrier est renversé ou volé par le Diable. C’est aussi le cas du livre
d’heures de Vienne du Maître de Bedford, dont nous avons parlé plus haut (fig.
15). La miniature est divisée en deux : en haut, l’Évangéliste œuvre
dans son cabinet de travail; en bas, à l’île de Pathmos. Dans le premier
cas, son encrier est tenu par l’aigle ; dans le second, son encre est
répandue par le Diable. Sur le panneau de
Rotterdam, puisant dans la tradition des miniatures françaises de
Dirck Bouts, on lit également les mots “In
principio erat verbum et verbum erat apud deum et Deus erat verbum Joh. I. VI”,
et le texte s’interrompt ici, car le Diable qui guette saint Jean de par
derrière son dos vient d’enlever son encrier et est maintenant en train
d’en verser le contenu. N’ayant trouvé aucune
source pour le versement de l’encre, van Gelder le rattache à un épisode
très rare de la légende de saint Jean Bouche d’Or. L’événement est
relaté par l’œuvre subsistant en quatre manuscrits du XIIIe
siècle d’un poète nommé Renaut ou Renaus, et par un
mystère du début du XVe siècle. Le détail de
l’histoire qui nous intéresse ici est qu’après avoir été iniquement
condamné, le saint est exilé à une île où il se décide à
écrire, mais le Diable l’en empêche en répandant son encre. Finalement la
salive de Jean se transforme en encre et il peut reprendre son travail.
L’analogie que van Gelder établit entre l’épisode signalé
plus haut et le séjour de saint Jean à Pathmos lui est dictée en premier
lieu par la considération que Jean Bouche d’Or se proposait également de
décrire la vision de la
Vierge. Or
cela n’est affirmé que par la version du XVe siècle :
dans la première, en vrai intellectuel, il ne veut écrire que pour
sauvegarder sa santé mentale au milieu de sa misère. Je trouve peu convaincante
la conclusion de van Gelder, selon laquelle “das Motiv im 14. Jahrhundert aus Texten einer französischen Version der
Legende von Jehan bouche d’or in bildliche Darstellungen des Apostols Johannes
übergegangen ist”. Cet épisode de la vie de
sain Jean Bouche d’Or n’a été relaté que par les mystères, et jamais
représenté dans les beaux-arts.
Lors même que cette légende aurait été connue dans
les cours de France de la fin du XIVe siècle (ce qui reste
à prouver) et qu’elle aurait inspiré les artistes, il faudrait encore
expliquer pourquoi et comment un épisode relaté uniquement par des sources
écrites de la vie d’un saint fut transposé dans la représentation d’un autre
saint.
Ce n’est guère une coïncidence fortuite que le
versement de l’encre de saint Jean l’Évangéliste apparaît dans la peinture de
miniatures au même moment et au même lieu que le thème de
l’Enfant écrivant. Dans ce dernier cas, le Verbe s’inscrit pour ainsi dire dans
le sein virginal de sa mère. L’Incarnation et l’écriture dans le rouleau
ont ceci en commun qu’il s’agit dans les deux cas de la matérialisation du
spirituel – que le Diable veut empêcher. Quand il ne laisse pas Jean
écrire le début de son Évangile, lui aussi, il croit pouvoir se servir de la
force magique du Verbe, c’est-à-dire de l’écriture. Il pense que si
saint Jean n’écrit pas le Verbe, celui-ci n’existera pas; et ce qui n’est pas ne peut prendre
corps. Il espère prévenir l’Incarnation en empêchant que les mots “caro factum est” soient couchés par
écrit.
La représentation de la lutte des forces du Bien et du Mal
au début de l’Évangile de saint Jean remonte à une tradition :
ainsi l’aigle vainqueur du serpent symbolise par exemple la victoire du Verbe
sur les péchés du monde. D’après une
tradition remontant à saint Augustin, les premiers mots du Prologue de
Jean ont fourni un argument décisif contre les hérétiques. Cela est attesté par
plusieurs représentations de l’Évangéliste aux XIe–XIIe
siècles. Le Saint Jean de l’évangéliaire d’Eadui (Canterbery, vers 1020)
écrase par exemple sous ses pieds une petite figure d’homme nommé “Arius”. La
banderole du saint contient le début du Prologue ; celle de son
adversaire, les mots “erat tempus quando non erat”. Le verset “In principio
erat verbum…” a été aussi utilisé par les exorcistes.
Mais saint Jean ne fut pas rapproché de l’Enfant écrivant
uniquement en raison du premier verset de son Évangile. Il fut aussi le
visionnaire du livre scellé de sept sceaux (Apocalypse
V, 1), qui fut identifié avec le sein immaculé de
la Vierge et devint l’élément
principal du thème de l’Enfant écrivant. D’autre part, dans les
prières illustrées de miniatures des livres d’heures, les donateurs
s’adressent à la fois à Jean et à
la Vierge pour demander leur
secours, et n’oublions pas qu’en dehors de “l’Incarnation du Verbe”, l’Enfant
écrivant représente aussi l’intercession. Sur une page des Très Belles Heures de Notre Dame, la prière “O intemerata” est illustrée à
trois reprises de saint Jean l’Évangéliste en compagnie de
la Vierge. Ils trônent
l’un à côté de l’autre sur l’image principale, montrant chacun un livre
ouvert au spectateur (l’Évangéliste tient aussi une plume à la main
droite). Sur la miniature ornant l’initiale, ils déplorent le Crucifié ;
sur celle du bas de page, on les voit agenouillés des deux côtés du Seigneur
pour intercéder en faveur d’un prince en prière (il s’agit de
Charles VI ou de Jean de Berry). La même
prière glorifiant la
Vierge, mère du Dieu est ailleurs illustrée de
représentations de la Vierge
tenant son enfant, et de celles de saint Jean l’Évangéliste ayant une palme et
un calice (ou un livre) à la main.
Il n’y a pas de doute que le thème de saint Jean
écrivant son Évangile à Pathmos et celui de
la Vierge à l’Enfant se
complétaient pour les peintres travaillant au service du duc de Berry. Le duc
possédait un panneau rond peint des deux côtés, ou en deux pièces,
représentant d’un côté la
Vierge allaitant son enfant au milieu d’anges, et saint Jean
de l’autre. Ce dernier écrit le début de son Évangile sur un rouleau, son
écritoire étant tenue par l’aigle : “un tableau rond en deux pieces en
l’un desquels a in ymage de Notre Dame alaitant son enfant et deux anges aux
deux costés ; et en l’autre Saint Jehan l’évangéliste escripvant en un
roulleau : In principio et une
aigle devant lui qui lui tient son escriptoire”.
Tout cela m’amène donc à penser que la genèse
des premières représentations de l’Enfant écrivant et celle du Diable
versant l’encre non seulement coïncident dans l’espace et dans le temps
(elles ont vu le jour au dernier tiers du XIVe siècle dans
l’un des ateliers de miniatures travaillant pour le duc de Berry), mais ont
aussi des racines spirituelles identiques. Dans les deux cas, l’écriture est
investie de la magie créatrice du Verbe.
Traduit par László
Sujtóx
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alles, alles malen kann» und shcreibt dann ein Brieflein «nicht
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schönen Ort».”
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Athènes, Musée byzantin. Belting, op. cit., pp. 326, 647 (note 79), 648
(note 120), The Glory…op.cit., no
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The Glory…op.cit., no 244, p. 372, fig. 244.
Schreiner, K., " … wie Maria
geleicht einem puch. " Beiträge zur Buchmetaforik des hohen und
späten Mittelalters, Archiv für
Geschichte des Buchwesens 11 (1970) pp.1437–1464 ; Schreiner, K.,
Marienverehrung, Lesekultur, Schriftlichkeit. Bildungs- und
frömmigkeitsgeschichtliche Studien zur Auslegung und Darstellung von
" Mariä Verkündigung ", Frühmittelalterliche
Studien 24 (1990) pp. 314–368, id., Maria
Jungfrau, Mutter, Herrscherin, München 1994, pp. 154-172 (J’exprime mes
remerciements à Zsuzsa Urbach pour avoir attiré mon attention sur ce
recueil.
Épiphane, Panarion
haer, 3031. V. Schreiner, op.cit.,
1990, p. 357.
Hieronymus, Commentariorum
in Isaiam Prophetam libri 3, c 8 PL. 4, 114. Cité par Schreiner, op.cit., 1990, p. 357.
Kalinowski, op.
cit. (n. 17), p. 166.
Homilia II. in nativitatem B. V. Mariæ, PG. 97. Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1441 ; Schreiner, op.cit., 1990, p. 357.
Petri Cellensis Sermo XXVI In Annuntiatione dominica V, PL. 202 718 : « Virgo Virginum… hic
designatur per librum intus et foris scriptum ; foris humilitate, intus
castitate ».
“Jam manum ad scribendum apponit prudentia :
atramentarium et incaustum de spinis Davidici seminis in Genealogia
Matthæi evangelistæ.” Ibid.
“… superviens quoque Spiritus sanctus, hanc
Scripturam illuminat. Tandem ligandus est liber iste grandis, disciplinæ
et religionis angelicæ corrigiis…” Ibid.,
col. 719.
De laudibus B. M. V., I, 12, c 7, 4 : “Fuit enim Maria liber… Sic ergo
Spiritus sanctus Verbo scripsit, dum ejus cooperatione caro Verbi fuit in utero
virginali formata”. Cité par Hilg, H., Das
« Marienleben » des Heinrich von St. Gallen. Text und Untersuchung,
München 1981, p. 326.
“Ich bin daz buoch daz Jôhan sach im trône, vor gotes
stuol versigelt rehte schône, mit siben slôzen wol bewart : nieman was der
ez dâ torste entsliezen”. Cité par Richter, D., Die Allegorie der
Pergamentbearbeitung. Beziehungen zwischen handwerklichen Vorgängen und der
geistichen Bildersprache des Mittelalters, in Fachliteratur des Mittelalters. Festschrift für Gerhard Eis, Hg.
von Keil et alt., Stuttgart 1968, p.
89.
Arnesti archiepiscopi Prag. Mariale c. 85. Cité par Wattenbach, W., Das Schriftwesen im Mittelalter, Graz 1896. p. 209 :
“… scriptum est in ea digito Dei Verbum illud abbreviatum, quod fecit
Dominus super terram…”.
Cité par Schreiner, op.cit.,
1970, p. 1451.
Jordanus de Quedlinburg, Sermones Argentorati 1484 sermo 157. Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1452.
Summa theologica. Pars 4., tit. 15, cap. 15 (De nativitate sanctæ Mariæ). Cité par Schreiner, op.cit., 1970, p. 1457. Ibid., pour les exemples ultérieurs.
Ernst von Pardubitz, op.
cit., loc. cit.; Meister Heinrich, cité par Schreiner, op.cit., 1970, pp. 1454–1457; Heinrich von St. Gallen, « Marienleben » (1410/20),
cité par Hilg, op. cit., pp. 132–143;
Antonin de Florence, cité par Schreiner, op.cit.,
1970, p. 1458.
Bruxelles,
Bibliothèque royale, ms. 11060–1, pp. 10–11. D’après Delisles
(1880), Dehaisnes (1886) et Durrieu (1894), cette miniature aurait été exécutée
par Beauneveu avant 1402. Fierens-Gevært (1924) et de Tolnay (1939)
l’attribuent également à Beauneveu, mais ils en situent la date vers
1390. R. de Lastreyrie (1896), Durrieu (1906) et Delisle (1907) en accréditent
Jacquemart de Hesdin. Panofsky (1953) y voit aussi l’œuvre du jeune
Jacquemart de Hesdin (1380–1385), subissant l’influence de Bondol et de Beauneveu.
Selon Porcher (1953 et 1962), elle serait due à un disciple “old
fashioned” de Pol de Limbourg, et daterait des années 1406–1409. Meiss (1967)
l’attribue à un peintre inconnu du Nord (vers 1390), fortement marqué
par le trecento de Sienne. Pour une
bibliographie détaillée, voir Calcins, R. G., The Brussels Hours Reevaluated, Scriptorium 24 (1970) pp. 3–26 (3, 4,
21) ; Farmer, J. D., On the Dating and Relationships of the
Dedication Miniatures in the Brussels Hours, in Scriptorium 33 (1979) pp. 65–68 (p. 67 : l’auteur la situe
avant 1405) ; Parkhurst, op. cit.,
pp. 300–302 (attribuée à Jacquemart, vers 1390).
Schiller, G., op.cit.,(n.12)
IV, 1, p. 86 ; Schmoll gen Eisenwert, J. A., Sion-Apokalyptisches
Weib-Ecclesia Lactans, in Miscellanea pro
arte. Hermann Schnitzler zur Vollendung des 60. Lebensjahres am 13. Januar 1965,
Düsseldorf 1965, pp. 81–110 (108).
Parkhurst, op.
cit., p. 302, fig. 36 ; Meiss, M., French
Painting in the Time of Jean de Berry. The Late Fourteenth Century and the Patronage
of the Duke, London 1967, vol. I, p. 206 ; vol. II, fig. 669.
Paris, BN, fr. 926, fol. 2. Parkhurst, op. cit., p. 302, fig. 35; Meiss, op. cit., vol. I, p. 206; vol. II, fig.
667.
V. par. ex. Pierre
de Luxembourg devant la Madone,
Avignon, Musée Calvet, ms. 207, fol. 8 (Meiss, op. cit., vol. II, fig. 655).
Ni dans la tradition orale, ni dans la littérature
théologique il n’existe de frontières imperméables entre les différentes
significations. Dans son sermon sur l’Annonciation, cité plus haut, Pierre de
Celle appelle le Christ stylus hominis,
qui efface le nom des pénitents et inscrit dans le livre de Dieu celui des
hommes dignes d’y figurer. La composition du relief de grès haut de 2
mètres et large de 1,1 mètres, transféré de l’église Saint-Martin
de Hildesheim à l‘église paroissiale Saint-André remonte aussi à
la Vierge du livre d’heures de
Bruxelles. L’annuaire et l’auriculaire de la main gauche de
la Vierge couronnée tiennent
une banderole large; son index et son médius, l’Enfant habillé debout sur ses
genoux. Le Christ tète et écrit. Marie pose sa droite tendue sur le long
rouleau entortillé planant dans l’air, qui s’étire jusqu’au donateur représenté
en petit en bas, à gauche. Le rouleau désigne ici à la fois la
médiation et le corps de Marie. V. Habicht, V. C., Die mittelalterliche Plastik Hildesheims. Studien zur deutschen
Kunstgeschichte, 195, Strassburg 1917, pp. 116–117. Pl. XX, fig. 47 ;
Parkhurst, op. cit., p. 302, fig. 34.
Saint-Pétersbourg, Bibliothèque d’État, ms. Q. v.
I, 8. Meiss, op. cit., vol. I, p.
206 ; vol. II, fig. 256.
Voir la note 27. Sur les analogies entre le livre et le
rouleau, voir Braun, J., Buch (Buchrolle) als Attribut, in Reallexikon zur deutschen Kunstgeschichte, begonnen von O. Scmitt,
Stuttgart I, 1937…, vol. II, Sp. 1339–1440. La miniature de Saint-Pétersbourg a
de fortes affinités spirituelles avec un panneau exécuté vers 1330 et attribué
à Bernardo Daddi (Joensuu, Joensuu Art Museum, Inv. no 210).
Sur ce dernier, le trône de la
Vierge et du Christ est entouré de six anges. Non seulement
le Christ, mais la Madone
pose aussi ostensiblement la main sur le livre ouvert devant Jésus, où
l’on lit l’inscription suivante : “Im principio erat verbum et verbum erat
apud deum et deus erat verbum hoc erat”. V. Offner, R., A corpus of Florentine Painting. The Fourteenth Century. The Works of
B. Daddi, sec. III, vol. III. Nouvelle édition de M. Boskovits en
collaboration avec E. N. Lusanna, Florence 1989, pp. 358–361, Add. Pl. IV.
Oxford, Bodleian Library, Douce 62, fol. 171v. Cf.
Pächt, O. – Alexander, J. J. G., Illuminated
Manuscripts in the Bodleian Library, Oxford, Oxford 1966, p. 50, no 637.
Gorissen, op. cit., p. 254; Meiss, op. cit., vol. II, fig. 742.
Pächt – Alexander, op. cit., loc. cit. Le volume a été orné par le Maître des
Initiiales de Bruxelles et un de ses élèves. La miniature en question
est attribuée au Maître Étienne Loypeau par Pächt et Alexander, et à
l’atelier Luçon par Meiss.
Miner, op. cit.;
Verdier, op. cit.
Belting – Kruse, op. cit., p. 37. On peut classer parmi les premières
représentations de la Vierge
à l’encrier une des miniatures d’un livre d’heures sorti d’un atelier de
Bruges (Carpentras, Bibliothèque de
la Ville, ms. 57, fol. 55v; Parkhurst, op. cit.,(n.4) p. 297, fig. 20; Vlaamse miniaturen voor Van Eyck
(ca.1380-ca.1420), Leuwen 1993. Cat. no 32 (30). (Je remercie
Zsuzsa Urbach pour avoir attiré mon attention sur cette donnée.) Ici, l’Enfant
observe la plume tenue dans sa main gauche,
la Vierge ne lève pas
l’encrier, mais le tient comme si elle avait une soupière ou une cuvette
à lait à la main. Parkhurst se trompe d’ailleurs : la
miniature franco-flamande reproduite par la fig. no 21
(aujourd’hui à Lisbonne, Gulbekian ms. L. A. 148, fol. 19v) ne montre
pas d’encrier.
Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cod. 1855,
fol. 202v ; (Parkhurst, op. cit.,
p. 298, fig. 24), Londres, British Museum, Add. Ms. 18550, fol. 199v.
La miniature de Londres est essentiellement identique,
à ceci près que le champ du thème principal n’est pas
aussi oblong. Sur les bordures, les anges musiciens sont remplacés par des
scènes de la vie de
la Vierge.
Exception faite de la miniature perdue ou détruite de
Barcelone ; ici cependant l’encrier n’est pas dans la main de
la Vierge, mais il est apporté
par un ange. (Anciennement à Barcelone, S. María del Mar. Meiss, op. cit., vol. II, fig. 280).
Parkhurst, op.
cit., pp. 302–303. Dans un livre d’heures parisien datant de 1420–1430, enluminé
en partie par le Maître de Bedford, en partie par le Maître de
la Légende dorée de Munich, la prière
adressée aux quinze joies de Marie est accompagnée de la représentation de
la Vierge allaitant. Assise
sur un trône à baldaquin flanqué de deux anges,
la Vierge couronnée repose ses
pieds sur un coussin. Dans son bras gauche, il tient le Christ qui tète
son sein, tandis que sa droite est levée en l’air à la manière
des Madones à l’encrier. Les dimensions trop petites de la reproduction
ne permettent pas de décider si elle a en effet un encrier à la main.
Voir Sotheby’s Western Manuscripts and
Miniatures, Londres, le mardi du 18 juin 1991, no 133, pp.
214–220; la reproduction en couleur se trouve à la page 214.
Verdier, op. cit.,
p. 249.
Cette dernière inscription apparaît sur
la Vierge à l’encrier
de Berlin, étudiée plus loin, aussi bien que sur le panneau de Sienne de
Bernardo Daddi (Sienne, Museo Civico, no 73),
la Madone exécutée vers 1320
par Lippo Memmi (Sienne, S. Clemente ai Servi), et ailleurs. Gorissen
énumère à ce propos nombre d’exemples (op. cit., pp. 248–250).
Sur l’Ascension (Maiestas domini) de la porte datant du
Ve siècle de
la Santa Sabina, le rouleau contient le mot Ichtys (Jésus-Christ, Fils de Dieu, le
Rédempteur). Schiller, op. cit., vol.
III, p. 149, fig. 458.
Budapest, Musée des Beaux-Arts, no
d’inv. 123, 68,2x59 cm, (sans cadre). Peint sur bois de chêne; le
bord inférieur est mutilé. Pigler, A., Országos
Szépmûvészeti Múzeum. A Régi Képtár katalógusa (Musée National des
Beaux-Arts. Catalogue de la
Galerie des Maîtres Anciens), I–II, Budapest 1967, vol. I, p.
770. Urbach, Zs., in Stephan Lochner,
Meister zu Köln. Herkunft, Werke, Wirkung, Hg. F. G. Zehnder, Köln 1993, p.
382 (avec la bibliographie antérieure). Berlin, Staatliche Museen, Preussischer
Kulturbesitz, Gemäldegalerie no d’inv. 2091, 67,5x45 cm.
Originellement sur bois de chêne. Voir Berlin, Gemäldegalerie.
Katalog der ausgestellten Gemälde des 13–18. Jahrhunderts, Berlin 1975.
Vorw. H. Bock, p. 470 (avec la antérieure).Verdier remarque, il est vrai,
la ressemblance du geste de la prise de la robe sur la miniature de Vienne du
Maître de Bedford et les panneaux de Westphalie (op. cit., p. 250).
Les deux dernières monographies sur Konrad von
Sœst ne les mentionnent point, même pas dans leurs notes. Engelbert,
A., Conrad von Sœst. Ein Dortmunder
Maler um 1440, Dortmund–Köln 1995 ; Corley, B., Conrad von Sœst. Painter Among Merchant Princes, London 1996.
Ce dernier auteur met ailleurs en question la provenance westphalienne
même du tableau de Budapest, sans proposer une autre origine (Corley, B.,
Stephan Lochner, Meister zu Köln. Herkunft – Werke – Wirkung, Kunstchronik 47 (1994) pp. 696–711
(700).
Ce motif symbolise peut-être la pureté immaculée
et intouchable de la Vierge,
le “rideau du Temple”, et cela d’autant plus que la main resserrant le manteau
du Christ coïncide avec la ligne de la ceinture de Marie. Voir, à
propos des sculptures de Lorraine, Schmoll gen. Eisenwerth, J. A.,
Lotharingische Madonnen-Statuetten des 14. Jahrhunderts, in Variæ Formæ Veritas Une.
Kunsthistorische Studien. Festschrift Friedrich Gerke, Hg. J. A. Schmoll
gen. Eisenwerth, H. Schnitzler, H. Wentzel, P. Ludwig,
Baden-Baden 1962, pp. 119–148 (134–135). Verdier, op. cit. (n. 14) pense que ce geste fait allusion aux rapports de
fiançailles de la Vierge
et de l’Enfant Jésus. Schorr, D.C., The Christ in Devotional Images in the XIV
th. Century, New York 1954, le type 24 : le geste par lequel l’Enfant prend le
manteau de la Vierge
est interprété par l’auteur comme une allusion à sa mort.
Voir les notes 56, 57 et 58, aussi bien que le texte
auquel elles renvoient. Ce n’est pas par hasard que Ringbom recoure justement
au panneau de Berlin pour illustrer sa thèse (Ringbom, op. cit., fig. 15).
Voir par ex. Urbach, in Szépmûvészeti Múzeum,op.cit.,
p. 59 : “exécutée par un peintre de Westphalie, l’œuvre provint donc
de la région dont les artistes – et en particulier le plus éminent d’entre eux,
Konrad von Sœst – ont subi les premiers les influences venues de France au
début des années 1400”.
Le Catalogue de Berlin dit (n. 59) : “… vielleicht geht die
Darstellung auch direkt auf eine Komposition des franzözischen oder
burgundischen Kunstkreis zurück”. Sur les relations entre Konrad von Sœst
et les ateliers de miniatures parisiens, voir par ex. Rensing, Th., Rätsel um
Konrad von Sœst, Westfalen 28
(1950) pp. 138–181. Sur les rapports étroits entre
la Westphalie et Paris aux
XIVe–XVe siècles, voir p. ex. Langemeyer,
G., “Kölnisch” und “westfälisch” in der Tafelmalerei der Spätgotik, in Köln-Westfalen 1180–1980, 2 volumes,
Münster 1980, Köln 1981, I, pp. 389–401.
Dortmund, Museum für Kunst und Kulturgeschichte, no
d’inv. C 4978. Fritz, R., Das Halbfigurenbild in der westdeutschen
Tafelmalerei um 1400. Ein Versuch über Herkunft und Deutung, Zeitschrift für Kunstwissenschaft 5
(1951) pp. 161–178.
Il voit cependant l’origine des Vierges à
l’encrier non dans celles-ci, mais – se référant à Parkhurst – dans la
statue en pied du cloître des carmélites de Mayence. Aurenhammer, H.,
Marienikone und Marienandachtsbild. Zur Enstehung des halbfigurinen
Marienbildes nördlich der Alpen, Jahrbuch
des Österreichischen byzantinischen Gesellschaft 4 (1955) pp. 135–149.
Localisation inconnue. Voir Shorr, loc. cit. (n. 61).
N’écartons pas complètement l’hypothèse d’une image de dévotion
similaire à celle gardée actuellement au trésor de la cathédrale
Saint-Paul de Lüttich. Celle-ci est une icone byzantine exécutée vers 1200
( ?) et repeinte vers 1400 aux Pays-Bas. Assis sur le bras gauche de
la Vierge, l’Enfant ébauche de
sa main droite une bénédiction et tient dans sa gauche un rouleau étalé. V.
Belting, op. cit., p. 490 et fig.
266.
Tikkanen, J. J., Die
Beinstellungen in der Kunstgeschichte, Helsingfors 1912, p. 164. Deus,
W-H., Richter mit gekreuzigten Beinen, in Sœster
Zeitschrift 82 (1970) pp. 18–22. Einem, H. von, Medici Madonna
Michelangelo’s, in Rheinisch-Westfälische
Akademie der Wissenschaften, Vorträge G. 190, Opladen 1973, pp. 8–30 (15).
Le code de procédure de Sœst prescrit que “es soll
der Richter auf seinem Richterstuhl sitzen als ein griesgrimmender Löwe, den
rechten Fuss über den linken schlagen”. Tikkanen, op. cit.; Deus, op. cit.;
Quelques exemples de juges aux jambes croisées à Sœst : saint Pierre : l’empereur ordonnant
le martyre au tympan de la porte Johannes (avant 1150) ; saint Patrocle : la verrière
Patrocle avec le juge condamnant saint Paul (1160/1166) ; le Pilate de l’antependium de Sœst (anciennement à Berlin ; vers
1240) ; le Pilate de l’autel de
Wildungen de Konrad von Sœst (premières années du XVe
siècle), etc.
Bellot, geb. Beste, E., Das Werler Gnadenbild und
Sœst, Sœster Zeitschrift 69
(1956) pp. 55–70. Preising, R., Das Gnadenbild von Werl, in Die Gottesmutter. Marienbild in Rheinland
und Westfalen, Recklinghausen 1968, I, pp. 153–160; II, Cat. no 23.
Deus, W-H., Richter mit gekreuzigten Beinen. Ein Nachtrag, Sœster Zeitschrift 83 (1971) p. 25.
Endemann, K., Das Marienbild von Werl, Westfalen
53 (1975) pp. 53–80, avec une reproduction en couleurs.
Schwartz, H., Die Stadtsiegel von Sœst, Sœster Zeitschrift 67 (1954) pp.
9–12. Deus, W-H., Ikonographie des hlg. Patroclus, Sœster Zeitschrift 70 (1957) pp. 39–74 (45–77).
Die Parler und der schöne Stil 1350–1400. Europäische
Kunst unter den Luxemburger,
1–6, Köln 1978, vol. 1, p. 61. (J. A. Schmoll gen. Eisenwerth). Sur le premier
exemple proposé par Squilbeck (op. cit.,
p. 129), la Vierge
de St. Trond (vers 1360), l’Enfant n’écrit pas, mais a un livre ouvert devant
lui. Selon l’auteur,la Vierge
tiendrait un encrier à la main. Didier, R.- Henss, M.- Schmoll gen.
Eisenwerth, J. A., Une Vierge tournaisienne à Arbois (Jura) et le
problème des Vierges de Hal. Contribution à la chronologie et
à la typologie, Bulletin
monumental 128 (1970) pp. 7–113. Sur la page 98, les auteurs se
réfèrent à la pierre tombale gravée d’Amaury Dupont († 1430)
et de Jeanne de Bailli († 1358) à Saint-Nicolas de Tournai, dans
laquelle ils voient un exemple précoce du type iconographique en question. Or
au lieu d’écrire, l’Enfant Jésus montre un livre ou un papier au spectateur.
Die Parler…op.cit., (n. 70), p. 93 (R. Didier – J. Steyært).
P. ex. Cologne, Schnütgen Museum, vers 1260. Voir Rhein und Maas. Kunst und Kultur 800–1400,
1–2, Schnütgen-Museum, Köln 1973, vol. 2, pp. 446–447, fig. 1–4.
Voir p. ex. la statuette de noyer ( ?) provenant de
l’ouest de l’Allemagne : Dortmund, Museum für Kunst und Kulturgeschichte.
In Kunstschätze aus zerstörten Kirchen
Westfalens, Ausstellung 1948. Schloss Cappenberg über Lüne Vorw. R. Fritz no 38.
Sur Le Livre de la
vie, voir p. ex. Kœp, L., Buch (himmlisch), in Reallexikon für Antike und Christentum, II, hg. von Th. Klauser,
Stuttgart, 1954, pp. 725–732; Schiller, op.
cit., III, p. 177; Richter, op. cit.,
p. 87. Sur le livre représentant le plan de
la Rédemption, voir
Büttner, F. O., Mens divina liber grandis est. Zu einigen Darstellungen des
Lesens in spätmittelalterlichen Handschriften, Philobiblion 16 (1972) pp. 92–126 (99).
Feigel, op. cit.,
loc. cit. ; Verdier, op. cit., p. 254, note 23.
Saint Augustin,
La Cité de Dieu, XX, 15; Hrabanus Maurus, Allegoriæ in S. Script, PL. 112,
col. 987; Walafrid Strabo, Glossa
ordinaria, PL. 114,col. 745; Haymo, Expos.
In Apoc., PL. 117, col. 1190; Hugo de Sancto Victore, De arca Noe, PL. 176, col. 636, 645; Bonaventura, Lignum vitæ, 12e fruit,
46, etc. Voir Richter, op. cit.,(n. ) pp. 87–88.
Dialogus miraculorum VIII, 35 : “Liber vitæ Christus est […] In
pelle siquidem corporis ejus scriptæ erant litteræ minores et
nigræ per lividas plagas flagellorum, litteræ rubeæ et
capitales per infixiones clavorum, puncta etiam et virgulæ per punctiones
spinarum […]”. Cité par Wattenbach, op.
cit., pp. 208–209.
Voir p. ex. Fulbert de Chartres, Sermo I de Nativitate Beatissimæ Virginis, PL. 141, 322; Levi
d’Ancona, M., The Iconography of the
Immaculate Conception in the Middle Ages and Early Renaissance. Monographs on
the Archaeology and Fine Arts Sponsored by the Archaeological Institutes of
America and the College Art Association of America VII, New York, 1957, p.
54.
Voir la note 8 et le texte auquel il renvoie.
La Madone de la “Korbgasse”
: Mayence, Mittelrheinisches Landesmuseum, no
d’inv. S3097. L’original de la croix arborescente se trouve au Museum de
Wiesbaden ; une copie contemporaine exacte, au Hessisches Landesmuseum de
Darmstadt. Voir, pour les deux, Beeh, W., in Die Parler…,op. cit., (n.
70), I, p. 254 ; ibid., pour
l’énumération des autres copies. Quant à
la Madone des Carmélites de
Mayence (Mayence, Karmelitenkirche, vers 1390), qui précède celle de la
“Korbgasse” , la Vierge
tient ici aussi une croix arborescente, tandis que l’Enfant s’accroche de sa
main droite à la coiffe de sa mère et tient dans sa gauche un
chardonneret. Cette fois, c’est l’oiseau qui tient dans son bec un long rouleau
(Hasse, M., in Die Parler…,op.cit.,
(n. 70), I, p. 255).
Une statue gardée au Hessisches Landesmuseum de
Darmstadt, originaire elle aussi de la région du Rhin moyen (Heuchelheim, début
du XVe s.) représente une autre variante de l’Enfant écrivant
(Schiller, op. cit., I,p. 33, fig.
44). On y voit la Vierge
debout sur le lion de la tribu de Juda (Genèse
XLIX, 9), d’où il s’ensuit que le livre entre les mains de l’Enfant est
celui scellé de sept sceaux de l’Apocalypse
V, 5.
Francfort, Liebighaus – Museum Alter Plastik, Inv. no 36;
Corsaint; Paris, Musée de Cluny. Voir Maek-Gérard, M., Nachantike grossplastische Bildwerke Bd. II. Italien. Frankreich,
Niederlande 1380–1530/1540, Liebighaus, Francfort-sur-le-Main, Melsungen
1981, pp. 129–130, Cat. no 63, avec la bibliographie des
ouvrages consacrés à ce sujet.
Les gestes d’écrire et de désigner sont équivalents dans
ce cas. Voir p. ex. Exode XXXI, 18; Jean VIII, 6, 8, etc. Voir aussi
la Vierge à l’Enfant, Dijon, Musée des
Beaux-Arts, et sur cette œuvre : Quarré, P., Höhepunkte Burgundischer Bildhauerkunst im späten Mittelalter,
Würzburg 1978, 33 (p. 72). Une autre Vierge debout, similaire à
celle-ci, se laisse également ramener à un original slutérien : le
Christ montre ici au spectateur un large rouleau étalé. P. ex. celle de la rue
Porte-aux-Lions de Dijon, transférée au Louvre; Vesoul,coll. part. Zurich,
Kunsthaus. Voir Schmoll gen. Eisenwerth, J. A., Die burgundische Madonna des
hamburger Museum für Kunst und Gewebe und ihre Stellung in der
Sluter-Nachfolge, Jahrbuch der Hamburger
Kunstsammlungen 6 (1961) pp. 7–28, fig. 6, 7 et 8. Voir aussi ibid., fig. 16 représentant
la Madone de
Saint-Jean-de-Losne : la
Vierge a un livre ouvert dans sa gauche, et son enfant assis
sur son bras droit tient un long rouleau devant le corps de sa mère.
Parkhurst, op.
cit., fig. 15.
Sur le rôle particulier de saint Jean parmi les
Évangélistes, voir p. ex. Schapiro, M., Two Romanesque Drawings in Auxerre and
Some Iconographic Problems, in Studies in
Art and Literature for Belle da Costa Greene, Éd. D. Miner, Princeton
1954, pp. 331–349 (334–337); O’Reilly, J., Saint John as a Figure of the
Contemplative Life : Text and Image in the Art of the Anglo-Saxon
Benedictine Reform, in St Dunstan. His
Life, Times and Cult, Ed. N. Ramsay, M. Sparks,
T. Tatton-Brown, Rochester N. Y. 1992, pp. 165–185. Sur le rapport spécial
de saint Jean à l’Incarnation, voir p. ex. Norman, D., " In
the Beginning was the Word ". An Altarpiece by Ambrogio Lorenzetti
for the Augustinian Hermits of Massa Maritima,Zeitschrift für Kunstgeschichte 58 (1995), pp. 478–503 (493).
Van Gelder, J. G., Der Teufel stiehlt das Tintenfab, in Kunsthistorische Forschungen Otto Pächt zu
seinem Geburstag, Ed. A. Rosenauer, G. Weber, Salzbourg 1972, pp.
173–182.
Baltimore, Walters Art Gallery, W125–126, W126, fol.
195v. Voir The International Style. The
Arts in Europe around 1400, Baltimore 1962, no 45, pp.
48–49 ; van Gelder, op. cit., p.
178, fig. 7.
Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, cod. 1855,
fol. 13v.
Rotterdam, Museum Boymans Beuningen, no
d’inv. 1083 ; van Gelder, op.
cit., fig. 2.
Van Gelder, op.
cit., p. 181.
“Forment li plaisoit l’escripture,
Son
fain oblie pour la joie »
Voir
Weber, A., La Vie
de saint Jean Bouche d’Or, Romania 6
(1877) pp. 328–340 (p. 335 : lignes 394 et 395).
Van Gelder, op.
cit., p. 181. Les italiques sont de l’auteur. Pour les mystères du
début du XVe siècle, il est tout à fait légitime de
prendre en compte l’influence des images du Diable répandant l’encre de
l’Évangéliste.
Wittkower, R., Eagle and Serpent. A Study in Migration
Symbols, The Journal of the Warburg and
Courtauld Institutes 2 (1938–1939) pp. 293–325 (p. 321; pl. 52/1).
Saint Augustin, Enarrationes
in Psalmos CI–CL (CCSL XI Turnhout 1956, 1605, 1606). Voir aussi p. ex.
Bède, Homilia, I, 8, où
l’auteur cite le début de l’Évangile de saint Jean pour réfuter les hérétiques
pour qui “si ergo natus est Christus, erat tempus quando ille non erat” (cité
par O’Reilly, op. cit., p. 180).
Hanovre, Kestner Museum, MS. WM XXI a, 36 :
O’Reilly, op. cit., p. 178 et fig.
38. Voir aussi entre autres la
Bible de Stephen Harding, Dijon, Bibliothèque
municipale, MS. 15, fol. 56v : Cahn, W., A Defense of the Trinity in the
Cîteaux Bible, Marsyas 11 (1962–1964)
pp. 58–62 (59–60).
Fait signalé aussi par van Gelder, op. cit., p. 178. Voir aussi Heckscher, W. S., Relics of Pagan
Antiquity in Mediaeval Settings, The
Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 1 (1937) pp. 204–220 ;
à la page 216, l’auteur évoque à titre d’exemple l’inscription de
la camée d’agate datant du Ier siècle dont Charles V fit
don en 1367 à la cathédrale de Chartres.
Voir la note 32, ou par. ex. le sermon prononcé par
Meister Heinrich à Nuremberg à la fin du XIVe ou au
début du XVe siècle (cité par Schreiner,
« … Wie… », p. 1456.
Paris, Musée du Louvre, Cabinet des dessins, R. F. 2024
(Meiss, op. cit., vol. II, fig.37).
L’art français du Moyen Age fournit des exemples relativement nombreux
où la Vierge
est accompagnée dans la Déisis non de saint
Jean-Baptiste, mais de l’Évangéliste. Panofsky, E., A Parisian Goldsmith’s
Model of the Early Fifteenth Century ?, in Beiträge für Georg Swarzenski zum II*** Januar 1951, Berlin, 1951, pp. 70–84 (81–82).
Voir p. ex. le Psautier de Bohun***, Vienne, Österreichische
Nationalbibliothek, cod. 1826, fol. 157; “Petites Heures”, Paris,
Bibliothèque nationale, 18014, fol. 120, avec le duc de Berry. Voir
aussi la deuxième scène supérieure latérale de la fig. 15 de la
présente étude, où la
Vierge et Jean sont assis l’un à côté de l’autre.
L’Inventaire de décès du duc de Berry, l’item 68,
1416. Cité par Verdier, op. cit., p.
247 (à propos du caractère de tondo du panneau de Baltimore).